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Timofei Kouliabine, Три сестры

“Parce que les comédiennes et les comédiens russes sont exceptionnels, parce qu’ils jouent autant avec leur corps qu’avec leur tête, parce qu’ils respirent Tchekhov comme ils le pensent, ils sont capables de nous transmettre la poésie de notre auteur de chevet sans ouvrir la bouche. Ici c’est le bruit assourdissant de l’émotion qui vous submergera, car pratiquement aucun mot n’est échangé par ces actrices et acteurs qui disent tout en ne disant rien.”

© source: La Comédie

Les Trois soeurs de Tchekhov en langue des signes russe1)?

Voilà bien une idée loufoque, digne d'un Sibérien ayant abusée de vodka Сибирская, et pas de la classique! Traîné par ma douce et mon amour des 3 soeurs que je croyais connaître par coeur, à force de voir cette magistrale pièce et de la relire, dans le cadre d'une collaboration entre La Comédie2), je me suis rendu au Loup, accompagné par notre fille S.R., pour un spectacle commençant à 19h et annoncé pour durer… 4 heures, avec 3 entractes de 12 minutes précises.

Lever de rideau (sans rideau). Et boum!

Ce dingue de Тимофей Александрович Кулябин nous emmène très, très loin. Faut dire que sa compagnie vient de Novossibirsk.

La transe du théâtre, une sorte d'amok de 4 actes qui nous font revisiter le génial russe et les personnages, du plus connu au plus insignifiant, qui prennent une dimension incroyable et indicible. Aussi, un retour aux sources du théâtre, au métier de saltimbanque. À un déferlement d'émotions (ah, l'âme russe) et une lecture très personnelle, intime et charnelle, de ce grand classique parmi les classiques.

Tous les comédiens, je dis bien tous, sont géniaux. Bon, la beauté glacée de la colérique Macha et la splendeur de sa soeur Irina les détachent peut-être du lot, mais aussi le magnifique Verchinine et ses grandes mains, le superbe Tcheboutykine3), médecin alcoolique au spleen sibiriaque, et le fort inquiétant Saliony, qu'on ne souhaiterait sans doute jamais croiser dans son existence. J'ai tout simplement cru voir une autre pièce, une nouvelle lecture, une nouvelle grille.

Merci, Le Loup, La Comédie, Timofeï Kouliabine et à tous les comédiens de La Torche rouge, sa compagnie novosibirskienne.

C'était balèze.

J'en reste sans voix.


1)
Русский жестовый язык
2)
qui fait décidément très, très fort avec sa nouvelle team
3)
dont Timofeï Kouliabine estime que, dans l'esprit de Tchekhov, il était le père naturel d'Irina, ce qu'il suggère avec délicatesse et finesse
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  • Dernière modification : 2019/01/29 06:08
  • de radeff