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Andrei Kourkov, Vilnius, Paris, Londres

C’est la fin des gardes-frontière et des contrôles de passeports, un immense espoir pour un pays minuscule: le 21 décembre 2007, à minuit, la Lituanie intègre enfin l’espace Schengen. Comme beaucoup de leurs compatriotes, trois couples se lancent dans la grande aventure européenne. Ingrida et Klaudijus tenteront leur chance à Londres. Barbora et Andrius à Paris. Et si Renata et Vitas restent dans leur petite ferme à Anykšciai, eux aussi espèrent voir souffler jusqu’à l’Est le vent du changement. Mais l’Europe peut-elle tenir ses promesses de liberté et d’union? Estampillés étrangers, bousculés par des habitudes et des langues nouvelles, ces jeunes Lituaniens verront l’eldorado s’éloigner de jour en jour. Kukutis, un vieux sage qui traverse l’Europe à pied, le sait bien, lui: «Peu importe la ville où l’on veut atterrir, c’est le voyage lui-même qui est la vie.»

Dans ce roman tour à tour drôle, tendre et mélancolique, Kourkov donne un visage à tous les désenchantés du rêve européen.

« Ça va ? s’enquit le barman en déposant devant lui une tasse d’expresso. – Ça va », répondit Andrius en français, avant de pousser un soupir.

Le barman entreprit de laver des verres à bière.

Andrius l’observait, tout en sirotant sa tasse. Il songea que la profession de barman était la plus humanitaire qui soit. Une sorte de médecin. Mais le médecin était le dernier recours : ne s’adressaient à lui que ceux que le barman n’avait pu secourir. Ou auxquels il n’avait su fournir de diagnostic, ni par conséquent de conseils sur la manière et les moyens de se soigner.

– Aujourd’hui la solitude n’est plus effrayante, dit Vitas en haussant les épaules. Il y a les téléphones portables, il y a Internet, enfin il y a Skype, qui permet de joindre n’importe qui dans le monde.

– Tu sais, il nous arrive ici d’avoir des coupures d’électricité.

C'est l'amie F.B-A qui m'a offert ce gros bouquin, que j'ai commencé par maculer de café, au point que sa tranche est toute brune.

Je l'avoue, moi qui suis un fan inconditionnel de Kourkov, j'ai mis un moment à entrer dans ce pavé.

Et puis magic!!… La poésie kourkevienne m'a soudain frappé (autour de la page 432 je dirais) et je n'ai plus lâché, à part quelques larmes vers la fin.

Moi, Kourkov, j'aime, comme le phare qui te dirige, le crépuscule venu, par Beaufort 6, en pleine marée bretonne, sur un petit ketch pourri.

Et puis, un gars qui cite le mot barman une trentaine de fois en 637 pages ne peut pas être foncièrement mauvais.

À dire vrai: plutôt une référence.

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  • Dernière modification : 2018/12/04 22:17
  • de radeff