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Thomas Frank, Pourquoi les pauvres votent à droite

A la fin des années 1960, la concurrence internationale et la peur du déclassement transforment un populisme de gauche (rooseveltien, conquérant, égalitaire) en un “populisme” de droite faisant son miel de la crainte de millions d'ouvriers et d'employés d'être rattrapés par plus déshérités qu'eux. C'est alors que la question de l'insécurité resurgit. Elle va embourgeoiser l'identité de la gauche, perçue comme laxiste, efféminée, intellectuelle, et prolétariser celle de la droite, jugée plus déterminée, plus masculine, moins “naïve”. Cette métamorphose s'accomplit à mesure que l'inflation resurgit, que les usines ferment et que l'“élite”, jadis associée aux grandes familles de l'industrie et de la banque, devient identifiée à une “nouvelle gauche” friande d'innovations sociales, sexuelles et raciales. Les médias conservateurs n'ont plus qu'à se déchaîner contre une oligarchie radical-chic protégée d'une insécurité qu'elle conteste avec l'insouciance de ceux que cette violence épargne. Au reste, n'est-elle pas entretenue dans ses aveuglements par une ménagerie de juges laxistes, d'intellectuels jargonnants et autres boucs émissaires rêvés du ressentiment populaire ? “Progressistes en limousine” là-bas ; “gauche caviar” chez nous.

En tant que système de contrôle social, la réaction fonctionne parfaitement. Les deux adversaires se renforcent mutuellement : l’un se moque de l’autre ; et l’autre lui confère toujours plus de pouvoir. Ce système devrait faire le bonheur de toutes les classes dirigeantes du monde. Et il peut non seulement être poussé un peu plus loin, mais il le sera très certainement. Il y a toutes les bonnes raisons pour cela et la moindre n’est pas que les exigences culturelles du capitalisme moderne ne sont jamais remises en question. Pourquoi notre culture ne pourrait-elle aller de mal en pis si le fait de la faire empirer rend ceux qui lui nuisent de plus en plus riches ?

Un excellent bouquin qui fait un peu froid dans le dos, quand on considère ce qui a suivi sa publication… Entre la Hongrie de Orbán , le Brésil de Bolsonaro et la prochaine victoire de Marine (voir pire) en France.

Notes de lecture (intranet)

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  • Dernière modification : 2019/02/14 17:23
  • de radeff