Bihać sous la pluie

Hier soir il faisait beau, mais aujourd’hui c’est “zima” (qui signifie, comme en russe, “hiver”). Il pleut des cordes, on se croirait à Maurice juste avant le cyclone, la température en moins, elle a chuté d’au moins dix degrés. Alors que depuis 2 mois nous étions en short, il faut mettre pantalons, pulls et cirés. Nous sortons le gigantesque parapluie mauricien.

Selon Wikipedia, Raetinium (aujourd’hui Golubić à une dizaine de kilomètres de Bihać) était une ville romaine. Le nom de Bihać est apparu pour la première fois en 1260 sur un acte de donation du roi Béla IV de Hongrie d’Arpades au monastère cistercien de Topusko près de Zagreb. Au Moyen-âge, Bihać est une ville de Royaume de Croatie. Son nom en ancien croate signifie le fief royal. La ville tombe ensuite sous la domination ottomane pendant 4 siècles, puis est occupée de 1878 à 1914 par les Autrichiens.

Toujours grâce à Wikipedia, rappellons brièvement les faits récents de la guerre de Bosnie:

Le 18 novembre 1991, les dirigeants nationalistes du parti Union démocratique croate de Bosnie-Herzégovine ou HDZ-BiH décrètent la création de la « Communauté croate d’Herceg-Bosna » qui deviendra la « République d’Herceg-Bosna » dans les zones peuplées majoritairement de Croates de Bosnie (région de Mostar et sud-ouest de la Bosnie-Herzégovine).

En prévision de l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine qui surviendra le 1er mars 1992, les Serbes de Bosnie-Herzégovine font sécession et déclarent le 9 janvier 1992 la création de la « République des Serbes de Bosnie et Herzégovine » qui deviendra le 12 août 1992 la « République serbe de Bosnie ».

Le 6 avril 1992, la guerre d’indépendance de la Bosnie-Herzégovine se déclenche entre forces serbes de Bosnie et l’armée de la Bosnie-Herzégovine. Le 27 septembre 1993, des Bosniaques dissidents de la municipalité de Velika Kladuša au nord-ouest du pays déclarent la création de la République de Bosnie occidentale et s’opposent aux Croates et aux Bosniaques en s’alliant aux Serbes. Cette guerre civile entre les quatre entités durera jusqu’au 14 décembre 1995.

La ville de Bihać, comme toutes les villes que nous avons traversées en Bosnie, ainsi qu’en Croatie voisine, portent encore les traces de ce conflit, à travers de nombreux trous de balles (non, je ne parle pas des nationalistes, fondamentalistes religieux et autres militaristes) et sans doute les âmes sont-elles encore plus profondément marquées, qu’un peu de plâtre ne saurait panser leurs plaies.

Bihać se trouve au nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine (Bosna i Hercegovina / Босна и Херцеговина), à ne pas confondre avec la Fédération de Bosnie-et-Herzégovine (Federacija Bosne i Hercegovine / Федерација Босне и Херцеговине) qui représente les anciennes 4 entités politiques de Bosnie (la République de Bosnie et les 3 républiques sécessionnistes, bosniaques, croates et serbes). Moi qui croyais qu’il n’y avait eu qu’une Republika Serpska opposée à la Bosnie-Herzégovine… Ici, rien n’est simple !

On y passe donc une journée sous la pluie, à faire les (pardon, le) musée, une vieille tour célébrant le glorieux passé de la ville à travers quelques cartes moisies et des vestiges archéologiques exposés dans les années ‘60 et ayant depuis pris plus d’âge que pendant les millénaires durant lesquels ils étaient enterrés. On monte dans les étages qui ne semblent pas destinés au public, plein de vieilleries (une belle carte en relief de la région, malheureusement pas exposée), un macabre mannequin désossé, pas de lumière et vu la luminosité externe on se dirige un peu à l’aveuglette. Belle vue sur la région, l’église catholique voisine, présente sur toutes les représentations de la ville (photographies ou tableaux) est une coquille vide, elle semble en parfait état de l’extérieur mais l’intérieur est totalement détruit, et semble uniquement utilisé par des saoûlographes (ah, si seulement tous les édifices religieux du monde pouvaient servir à cela). Nous n’avons pas visité la mosquée, construite sur les vestiges d’une église catholique, mais en face nous avons communié avec le grand capital en visionnant le dernier Harry Potter, en VO s’il-vous-plaît.

La nuit tombée, nous nous perdons à la recherche d’Aida, la soeur d’un ami bosniaque genevois que nous allons visiter. Aidés par des poivrots dans un bistrot voisin de sa maison, nous retrouvons notre chemin. Nous passons une excellente soirée chez elle, ses enfants jouant avec les notres au point que tous finissent trempés de sueur (leur aîné est un judoka confirmé), on discute dans un sabir russo-germano-anglo-français. Le mari d’Aida nous ramène le soir dans notre pension, qui paraît-il appartient à un ex-seigneur de guerre. Gasp!


Tito à Bihac (1942)

Tito à Bihac (1942)

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