Montagnes haineuses

On part ce matin pour une ballade dans la banlieue nord-est de Sarajevo, dans les quartiers qui montent depuis la vieille-ville en direction de la brasserie Sarajevska, dans laquelle les habitants, au plus fort de la guerre, étaient toujours sûrs de trouver de l’eau (il y a une profonde source qui garantit l’excellente qualité de la bière nationale bosniaque). Nous montons, S.R. râle à son habitude, le soleil se fait écrasant. Nos réserves d’eau, malgré mon habituelle sur-prudence, sont épuisées. A nos côtés, une femme bosniaque, la quarantaine, chemine en soupirant sous la chaleur. Elle nous sourit et nous invite à nous désaltérer. Avec l’eau, elle nous offre un café et du chocolat pour les enfants, ainsi que d’excellentes pommes de son petit verger. Son mari nous rejoint ainsi qu’une voisine, nous conversons dans un mélange russo-allemand, c’est pas très élaboré mais vraiment sympa. On prend congé, désaltéré et avec 3 litres d’eau, et on reprend l’ascension, cette fois c’est S.R. et I.R. qui râlent, mais on est presque arrivés. Nous voilà sur l’une des collines qui séparent la Bosnie de la Republika Serpska, nous rebroussons chemin lorsque nous voyons des bandes de plastique jaune par terre avec des textes indiquant la présence de mines. Un peu plus loin, il y a un autre sentier, plus large et carrossable que nous prenons avec A.R., qui mène jusqu’à une antenne genre natel, je me dis que c’est certainement déminé pour permettre l’entretien de l’antenne. On cueille de nombreuses et délicieuses mûres sauvages pour l’élément féminin et rapidement on parvient au sommet. En face de nous, la cuvette de Sarajevo. Derrière, la forêt montagneuse inhabitée de la Republika Serpska. De là où nous sommes, des Serbes ont tirés sur des Bosniaques (ou des Orthodoxes sur des Musulmans), mais je pense surtout que des gens ont tirés sur d’autres personnes, qui leur étaient souvent très proches, voisins, voire familles éloignées, mais pas si éloignées que ça avec un fusil à lunette. En redescendant, on voit de très nombreux impacts de balles sur les maisons, que nous avions moins perçus à la montée. Le témoignage historique est subjectif. Cette ballade reste un moment très beau et fort de ce voyage.

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