Rosa Luxemburg: La Révolution russe, 1918

Comme quoi c'est pas parce que l'on est sous sous sous les Tropiques qu'il faut oublier les Classiques, qui aident à la compréhension des réalités actuelles. Rosa Luxembourg cumule les tares: communiste, allemande, compagne de route de Karl Liebknecht, spontanéiste révolutionnaire, elle n'a pas su se constituer un troisième pilier lié.

Emprisonnée, R. Luxemburg étudie le déroulement de la révolution russe et en tire les leçons.

Ce travail ne sera pas achevé du vivant de l'auteur et ces notes seront publiées après sa mort.

La dissolution de l'Assemblée constituante

Lénine et Trotsky ont mis à la place des corps représentatifs issus d'élections générales les soviets comme la seule représentation véritable des masses ouvrières. Mais en étouffant la vie politique dans tout le pays, il est fatal que la vie dans les soviets eux-mêmes soit de plus en plus paralysée. Sans élections générales, sans liberté illimitée de la presse et de réunion, sans lutte libre entre les opinions, la vie se meurt dans toutes les institutions publiques, elle devient une vie apparente, où la bureaucratie reste le seul élément actif. C'est une loi à laquelle nul ne peut se soustraire. La vie publique entre peu à peu en sommeil. Quelques douzaines de chefs d'une énergie inlassable et d'un idéalisme sans borne dirigent le gouvernement, et, parmi eux, ceux qui gouvernent en réalité, ce sont une douzaine de têtes éminentes, tandis qu'une élite de la classe ouvrière est convoquée de temps à autre à des réunions, pour applaudir aux discours des chefs, voter à l'unanimité les résolutions qu'on lui présente, au fond par conséquent un gouvernement de coterie - une dictature, il est vrai, non celle du prolétariat, mais celle d'une poignée de politiciens, c'est-à-dire une dictature au sens bourgeois, au sens de la domination jacobine... La tâche historique qui incombe au prolétariat, une fois au pouvoir, c'est de créer, à la place de la démocratie bourgeoise, la démocratie socialiste, et non pas de supprimer toute démocratie.