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CXLIII. Ne déplorons pas la perte de nos maisons et de notre territoire, mais bien celle des vies humaines. Car ce ne sont pas les biens qui acquièrent les hommes, mais les hommes qui acquièrent les biens.


Actualité de Thucydide

L’Histoire de la guerre du péloponnèse, du haut de ses 24 siècles, reste un texte d’actualité, combattif et utile pour expliciter l’histoire contemporaine. Pour preuve, les parralèles que l’on peut facilement établir entre l’expédition athénienne en Sicile, décidée par le bellâtre proto-punk Alcibiade, et l’intervention américaine en Irak. La considérable distance chronologique et technologique n’a en effet que peu d’importance, relativement aux similitudes, notamment sur le plan des problèmes logistiques et psychologiques.

Manuel d’histoire

L'oeuvre de Thucydide, évoque la guerre de près de trente ans qui opposera Athènes aux villes du Péloponnèse, mais est aussi un manuel sur l’histoire de la démocratie, la stratégie militaire, les tentatives hégémoniques et démagogiques et les déboires et défauts de la démocratie. On y apprend notamment que les pratiques de clientélisme et la corruption ne datent pas d’hier pour influer sur les processus démocratiques, et que la participation au jeu démocratique a très tôt été difficile, Athènes payant littéralement les participants aux forums afin d’éviter les harangues vides de spectateurs.

« XXXIX. – « On va m’objecter que la démocratie n’est ni intelligente ni juste et que les possédants sont les plus capables d’exercer le pouvoir. Pour moi, j’affirme en premier lieu que le peuple est l’État tout entier, que l’oligarchie n’en est qu’une fraction, en second lieu que, si les riches s’entendent parfaitement à conserver les richesses, les gens intelligents ont chance de donner les meilleurs conseils et la foule une fois informée de prendre les meilleures décisions. Dans une démocratie ces trois catégories, prises ensemble ou séparément, participent également au gouvernement. L’oligarchie, au contraire, fait participer la multitude aux dangers ; mais elle recherche âprement les avantages. Que dis-je ? Elle met la main sur tous, elle les monopolise. Voilà à quoi aspirent chez vous les puissants et les jeunes gens ! Dans une grande cité comme la nôtre, c’est impossible, ils ne réussiront pas. »

Art oratoire et démocratie

On assiste notamment dans l’ouvrage à de très belles scènes d’orateurs qui se succèdent pour butenter de convaincre les foules avec des points de vue diamétralement opposés, notamment lors de la (catastrophique) prise de décision de l’invasion de la Sicile, où les propos populistes et nationalistes (et non, ce n’est pas un anachronisme) d’Alcibiade, qui cherche à redorer son blason, l’emporteront sur les propos modérés de Périclès. C’est d’ailleurs l’oligarchie qui va finalement l’emporter, triomphant de la démocratie athénienne et de ses vélléités guerrières, les oligarques parvenant à convaincre la population que c’est la démocratie qui est à l’origine de la défaite athénienne.

Art de la guerre

A l’instar de son mentor Sun Tzu (que Thucydide n’a pas pu connaître), l’art de la guerre est très présent dans l’ouvrage, et explique peut-être son succès auprès des dictateurs, depuis sa parution jusqu’à nos jours. Ruses, astuces politiques, espionnage et armes secrètes émaillent ce long récit.

Un exemple de ruse, parmi tant d’autres :

« LXIV. - Devant cette situation, les stratèges athéniens voulurent attirer en masse et le plus loin possible de la ville les Syracusains, tandis qu’eux-mêmes, avec la flotte, profiteraient de la nuit pour longer la côte et installer tranquillement leur camp sur une position favorable. [...] Voici donc à peu de chose près la ruse dont les stratèges s’avisèrent pour exécuter leur plan. Ils envoyèrent à Syracuse un homme sûr et dont les stratèges syracusains n’avaient aucune raison de se défier. Il était de Katanè. Il prétendit être envoyé par quelques-uns de ses concitoyens, dont les noms étaient connus des stratèges et qui, à leur connaissance, appartenaient au parti syracusain et n’avaient pas quitté la ville. L’homme ajouta que les Athéniens bivouaquaient dans la ville, sans armes ; si, au jour convenu, à l’aurore, les Syracusains voulaient s’avancer vers Katanè, les habitants se faisaient fort d’enfermer l’ennemi dans la ville, de mettre le feu à ses vaisseaux ; pendant ce temps les Syracusains pourraient sans peine assaillir les palissades et s’emparer du camp. Beaucoup de gens de Katanè participeraient à cette attaque ; ceux qui l’avaient envoyé étaient déjà tout prêts.

Les stratèges syracusains, qui d’ailleurs étaient pleins de confiance et qui, même sans cet avis, songeaient à marcher contre Katanè, se laissèrent fort inconsidérément convaincre par le récit de cet homme. »

Massacres

Les massacres occupent aussi une place importante dans l’ouvrage, le plus souvent juste mentionné du point de vue objectif de l’historien, parfois avec un jugement moral comme dans le cas du massacre de Mykalessos :

« XXIX Les Thraces firent irruption dans Mykalessos, pillèrent les maisons et les temples, massacrèrent les habitants, n’épargnant ni la vieillesse ni le jeune âge. Tous ceux qu’ils rencontraient femmes, enfants étaient immédiatement mis à mort, pêle-mêle avec les bêtes et tous les êtres vivants. Car ce peuple barbare est des plus sanguinaires, quand il n’a rien à craindre. Là, en particulier le massacre fut épouvantable ; on vit la mort sous toutes ses formes. Les Thraces firent irruption dans une école, la plus importante du pays. Les enfants venaient d’y entrer : ils les égorgèrent tous. Jamais une ville entière ne connut désastre plus complet, plus soudain et plus imprévu. »

Sources :

Thucydide, Histoire de la guerre du Péloponnèse, GF 1966 ;

La guerre du Péloponèse en bilingue sur remacle.org

Résumé par Fred Radeff sur akademia.ch

Thucydide sur wikipédia

Mise à jour le Vendredi, 04 Septembre 2009 04:54  

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