L'UTILISATION
RATIONNELLE DE L'ENERGIE
1ère partie
L'utilisation rationnelle de l'énergie
et les nouvelles menaces pesant
sur la sécurité mondiale
Ivo RENS
Rédacteur responsable
Le dossier scientifique du présent
numéro double de SEBES est consacré à "L'utilisation
rationnelle de l'énergie". La mention qui est ici faite du mot "rationnel"
mérite quelque éclaircissement qui, sans prétendre
en épuiser le socle épistémologique, en balise, fût-ce
grossièrement, les références axiologiques.
Comme chacun sait, l'adjectif "rationnel"
recouvre plusieurs acceptions. L'idée que s'en fait le marchand
de missiles n'est pas la même que celle du pacifiste, celle de l'économie
politique dominante est fort éloignée de celle de la science
écologique, nonobstant l'étymologie commune de ces deux disciplines
- "oikos", l'habitat - et malgré les efforts presque pathétiques
déployés par certains publicistes et davantage de publicitaires
pour tenter de les marier alors qu'il conviendrait plutôt d'intégrer
la première dans la seconde. Car peut-on soutenir sérieusement
que, entre deux disciplines scientifiques, la plus particulière,
celle qui ne s'intéresse qu'à un certain mode des relations
humaines, puisse imposer ses principes à la plus générale
et la plus fondamentale qui se préoccupe des relations de tous les
êtres vivants avec leur environnement organique et inorganique?
Le titre même de notre revue
l'indique, la rationalité à laquelle nous aspirons est celle-là
même qui régit la Biosphère. Elle s'enracine dans la
connaissance, encore lacunaire, mais néanmoins substantielle, que
nous en offre l'écologie scientifique telle qu'elle s'est constituée
et institutionnalisée depuis en tout cas le début du siècle,
et plus précisément l'écologie globale qui pose les
problèmes à l'échelle de la planète. Rien d'étonnant,
par conséquent, à ce qu'elle intéresse la dimension
socio-politique et, plus fondamentalement, anthropologique que revêt
1' utilisation de l'énergie dans notre monde toujours plus marqué
par l'emprise de la civilisation thermo-industrielle occidentale. On trouvera
dans la section de ce numéro intitulée "Réflexion"
une "Note sur le terme de Biosphère" et un article sur "Ethique
et écologie" qui, sans épuiser ces vastes sujets, éclairent
néanmoins leurs fondements épistémologiques et leurs
prolongements éthiques. Il en va de même de plusieurs des
ouvrages qui font l'objet de comptes rendus dans la section "Littérature".
Autrement dit, et pour en rester
délibérément à un niveau prosaïque, disons
d'emblée que la rationalité à laquelle se réfèrent
la plupart des auteurs de notre dossier scientifique est celle qui conditionne
la survie aussi longue que possible de l'humanité par la conservation
de la Biosphère qui en constitue l'habitat obligé et son
organisation dans des sociétés aussi conviviales que possible,
c'est-à-dire respectueuses des valeurs que l'on désigne,
en première approximation, par les droits et libertés fondamentales.
Sans doute ces précisions liminaires sont-elles superflues
pour beaucoup de nos lecteurs, mais pas nécessairement pour tous,
et il nous paraît loyal de préciser la position, sinon de
tous nos contributeurs, du moins celle du Comité de rédaction
et plus précisément de l'auteur de ces lignes.
Prise de conscience des nouvelles menaces sur
la sécurité mondiale
Pourquoi mettre
en rapport la problématique de "L'utilisation rationnelle de l'énergie"
avec celle, plus vaste encore, des "nouvelles menaces pesant sur la sécurité
mondiale" ? D'ailleurs ces menaces, désormais récurrentes
dans le discours politique, comme l'atteste l'omniprésence des questions
de 1'"environnement" lors des sommets du Groupe des sept Puissances les
plus industrialisées depuis 1989, sont-elles véritablement
nouvelles ? Sont-elles vraiment apparues depuis la fin de la guerre froide
ou bien s'inscrivent-elles dans une dynamique de beaucoup antérieure
? Enfin, ont-elles supplanté les anciennes menaces pesant sur la
sécurité mondiale, en tout ou en partie, ou bien s'y sont-elles
ajoutées?
Pour tenter de répondre
à ces questions, partons du plus général afin de mieux
cerner les questions particulières. Et donnons, pour commencer,
un diagnostic:
«C'est chose étonnante que de voir combien
il est rare de trouver, même dans les milieux les plus avertis, une
seule personne bien au fait de la destruction accélérée
que nous infligeons sans arrêt aux sources mêmes de notre vie.
Par ailleurs les rares esprits qui s'en rendent compte ne voient en général
pas le lien entre ce fatal processus et les exigences irrésistibles
d'une population humaine sans cesse en augmentation. Ce sont pourtant là
des conditions indivisibles, qu'on ne saurait en bonne logique envisager
séparément. Combien d'ailleurs en trouverait-on parmi les
spécialistes même les plus avertis et les plus distingués
en matière d'agronomie, de chimie, de biologie et d'économie
politique - sans oublier la politique tout court - voulant bien admettre
que ces connaissances spéciales ne peuvent avoir leur pleine et
entière utilité si elles ne sont pratiquement intégrées
les unes dans les autres ? (...)
Enfin, quand la vérité
pourra-telle se faire jour sur le plan des relations internationales ?
Quand se décidera-t-on à reconnaître ouvertement que
l'une des principales causes de l'attitude agressive de certaines nations
et d'une bonne partie des discordes actuelles entre groupes de nations
provient d'une diminution dans la capacité productive de leurs terres
en même temps que de la pression toujours accrue d' une population
sans cesse grandissante ? D'un bout du monde à l'autre il n'est
pas un pays qui ne se trouve au bord de la même crise.(...)
Les techniciens auront beau se
dépasser eux-mêmes dans la création de nouveaux produits
susceptibles de remplacer les aliments naturels, on aura beau mettre en
valeur de nouvelles zones, par exemple dans les pays tropicaux ou subtropicaux,
il n'en reste pas moins impossible de compter sur les nouvelles ressources
à en provenir pour arrêter l'élan terrifiant des attaques
aujourd'hui dirigées contre les ressources vitales naturelles du
monde entier. A cela une seule solution est possible: l'homme doit reconnaître
la nécessité où il se trouve de collaborer avec la
nature. Il doit rabattre ses exigences, utiliser et conserver les ressources
naturelles du monde entier de la seule façon qui puisse permettre
à la civilisation de se maintenir. La solution finale ne peut venir
que d'une meilleure compréhension du grand et éternel processus
des forces naturelles. Le temps est aujourd'hui fini où l'on pouvait
espérer le braver impunément.»
Quelques prophètes méconnus de l'écologie
globale
Ces lignes, qui désignent
d'une part la cause principale des nouvelles menaces pesant sur la sécurité
mondiale, à savoir les destructions infligées à la
nature par notre civilisation technicienne couplée à l'accroissement
démographique de l'humanité, d'autre part la cause principale
de l'aveuglement de notre espèce et de son intelligentsia, à
savoir le cloisonnement intellectuel inhérent à notre épistèmè
et peut-être plus encore à notre institution académique,
ne datent pas de 1989, mais de près d'un demi siècle (La
planète au pillage, Fayot, Paris, 1949, traduction de Our
Plundered Planet, Boston, Little, Brown, 1948) . Leur auteur, Fairfeld
Osborn, alors président de la Société zoologique de
New York, appartient à cette avant-garde de la prise de conscience
écologique, tout comme Aldo Leopold, Roger Heim, René Dubos,
William Vogt, George Evelyn Hutchinson, Nicholas Georgescu-Roegen, Rachel
Carson, Lynn White, Nicholas Polunin, Kenneth Boulding, Eugene P. Odum
et quelques autres auteurs, tous nés avant la première guerre
mondiale et tous tributaires, peu ou prou, des philosophes du vivant que
furent Henri Bergson, dont L'Evolution créatrice remonte
à 1907, Jan Christiaan Smuts, dont Holism and Evolution date de
1926 et Vladimir Ivanovitch Vernadsky dont La Biosphère parut
en russe en 1926 également et en français en 1929. L'oubli
de la plupart de ces auteurs et de leurs avertissements témoigne
de l'efficacité de la barrière idéologique qui a rendu
leur voix inaudible pour la plupart de leurs contemporains et imperceptible
encore à beaucoup des nôtres.
Une controverse a opposé
voici près d'un quart de siècle Barry Commoner à Paul
Ehrlich. A ce dernier qui semblait vouloir rendre responsable de tous les
maux présents et à venir inhérents à la destruction
de l'environnement naturel la seule croissance démographiaue de
l'espèce humaine, le premier opposa, avec passablement de succès
que les mutations intervenues dans les techniques, principalement chimiques,
pendant ou après la deuxième guerre mondiale, en sont autant
et plus responsables.
Toujours est-il que, faute pour
l'humanité et ses dirigeants d'avoir réagi sur le champ,
le temps des "nouvelles menaces sur la sécurité mondiale"
est arrivé. Ne tentons pas de les énumérer de façon
exhaustive, mais de les signaler en passant de la plus générale
aux plus particulières: Explosion démographique, pollution
et dégradation galopantes de la Biosphère, accroissement
de l'effet de serre, perspectives de changements climatiques, déplétion
du bouclier stratosphérique d'ozone, érosion des sols, désertification,
appauvrissement de la diversité biologique des espèces animales
et surtout végétales, famine et malnutrition, déplacements
toujours plus massifs de populations,et apparition de grandes pandémies
dont le SIDA n'est peut-être qu'un élément précurseur,
tels sont les fléaux qui menacent sinon notre avenir, du moins,
à coup sûr celui de nos enfants.
Dans notre perspective, les accidents
du Torrey Canyon, de l'Amoco Cadiz, de Seveso, de Bhopal, de Tchernobyl
et de Schweizer Halle ne constituent que des jalons, assurément
significatifs, mais encore relativement limités dans leur ampleur,
dans la série qui conduit inéluctablement à la banalisation
de risques technologiques majeurs
toujours plus désastreux.
Menaces nouvelles et menaces anciennes
Il s'en faut de beaucoup que
ces menaces soient si nouvelles que cela. Elles trouvent leur origine dans
la Révolution industrielle qui ne s'est étendue à
1'échelle de la planète que depuis la deuxième guerre
mondiale et dont les "effets pervers" ne sont devenus socialement visibles
que depuis lors. En outre, loin d'avoir supplanté les anciennes
menaces - hormis, sans doute, celles de la guerre froide - elles risquent
fort de s'alimenter réciproquement et d'opérer de redoutables
synergies comme on le vit bien lors de la guerre du Golfe; et plus encore
depuis, avec le désastre écologique que constitue 1'incendie
volontaire, et sans buts de guerre particuliers, semble-t-il, de centaines
de puits de pétrole qui continuent de brûler en polluant l'atmosphère
non seulement du Koweit, mais encore de plusieurs Etats de la région,
au gré des vents. Bref, l'éco-terrorisme constitue le plus
spectaculaire des avatars des "nouvelles menaces" planant sur la sécurité
mondiale, mais pas nécessairement le plus redoutable.
La plus redoutable réside
probablement dans 1'impact écologique croissant que l'humanité
impose à la Biosphère du fait des croissances démographique,
technologique et énergétique. Contrairement à une
idée reçue tenace dans les milieux technocratisés
- y compris ceux qui se font passer pour conservateurs car ils prétendent
conserver les moyens d'accroître notre confort par une maîtrise
toujours plus poussée de la nature - il n'est pas vrai que le développement
économique soit directement proportionnel à la croissance
énergétique. C'est ce que démontrent plusieurs articles
de notre dossier scientifique et certains des ouvrages que nous recensons
dans notre section "Littérature". Il n'en résulte pas pour
autant que la croissance économique qui caractérise notre
civilisation thermo-industrielle puisse se poursuivre longtemps encore,
non point tant à cause d'une éventuelle pénurie d'énergie,
mais en raison de la trop grande dilapidation de la manne pétrolière
dont on ne dira jamais assez qu'elle a induit nos sociétés
dans des comportements proprement suicidaires.
La croissance de l'effet de serre,
ou plutôt sa dérive anthropogénique - à laquelle
Jacques Grinevald a consacré une étude très substantielle
dans SEBES, No 1, 1990 - ainsi que celle des pollutions industrielles sont
grosses de menaces pour notre sécurité par leur remise en
cause des processus biogéochimiques qui sont au coeur même
du vivant. De quoi serviront les missiles balistiques intercontinentaux
et toutes nos armes dites intelligentes pour prévenir ou combattre
un changement climatique entraînant une élévation générale
du niveau moyen des océans ou même un empoisonnement croissant
des chaînes alimentaires ?
Les seules stratégies de
développement responsables ne sont-elles pas celles qui permettraient
de poursuivre l'aventure technicienne en polluant infiniment moins et en
produisant moins de gaz à effet de serre, à commencer par
le CO2, donc en augmentant le rendement thermodynamique de toutes
nos prothèses industrielles - pour parler comme Nichloas Georgescu-Roegen
- et en remplaçant aussi rapidement que possible les combustibles
fossiles par le flux d'énergie actuelle, c'est-à-dire solaire.
Il a été suffisemment démontré, notamment dans
SEBES No 2, 1990, que les combustibles fissiles et plus généralement
les prespectives électronucléaires, fussent-elles fondées
sur la surrégénération , voire sur la fusion pour
laquelle les Etats industrialisés ont déjà englouti
des sommes astronomiques qu'ils auraient mieux fait d'investir dans des
secteurs plu sprometteurs, ne constituent une solution de rechange ni généralisable,
ni durable ni surtout viable.
Encore faudrait-il, pour qu'une
stratégie quelconque débouche sur un monde un peu plus humain,
que l'explosion démographique ne se poursuive pas. En effet, la
population mondiale, qui était de quelque 800 millions d'habitants
en 1800, s'élevait à quelque 1'600 millions en 1900, à
quelque 2'500 millions en 1950 et à quelque 5'300 millions en 1990,
d'après le Worldwatch Institute, de sorte qu'un homme né
autour de 1930 serait le premier, dans l'évolution de l'espèce,
à avoir assisté de son vivant au doublement de la démographie
mondiale autour de 1972. Qui plus est, son espérance de vie est
telle qu'il pourra être le premier aussi à assister au triplement
de ladite démographie avant l'an 2000. Malheureux Malthus ! Aurais-tu
été tellement condamné parce que seul en ton siècle
tu avais vu juste ?
Des diverses croissances et de leurs taux respectifs
Les nouvelles menaces pesant
sur la sécurité mondiale procèdent toutes de phénomènes
dynamiques que nous avons caractérisés en première
approximation par la croissance, voire par des croissances, puisqu'elles
ne sont pas nécessairement parallèles ni même synchrones.
Le premier Rapport au Club de Rome, dû à l'équipe de
Meadows du M.I. T. (Massachussets Institute of Technology), a accrédité
dans le public éclairé l'idée, déjà
assez impressionnante, que ces croissances seraient exponentielles, c'est-à-dire
qu'elles seraient caractérisées par un taux d'accroissement
constant.
Certains auteurs vont encore plus
loin. Ainsi, dans La surchauffe de la croissance , ouvrage dont
on trouvera un compte rendu dans la section "Littérature" du présent
numéro, François Meyer estime-t-il, chiffres à l'appui,
qu' à l'instar de toute l'évolution du vivant, celle de la
démographie humaine ainsi que celle de sa variable technologique
se caractérisent par un taux d'accroissement lui-même croissant,
donc par une accélération de l'accélération,
ce qui l'amène à opposer au diagnostic d'urgence, inhérent
à la thèse exponentielle, un diagnostic d'imminence.
Il ne s'agit pas là d'un
débat académique pouvant être poursuivi tout à
loisir mais de décisions à prendre toutes affaires cessantes
sur les stratégies à adopter pour se protéger des
nouvelles menaces pesant sur la sécurité mondiale, donc d'une
question vitale entre toutes, conditionnée par le manque de temps
qui nous reste pour amorcer les virages, notamment énergétiques
et technologiques, que l'humanité devrait "négocier" pour
survivre. La véritable pénurie dont nous soufrons d'ores
et déjà pour tenter d'appréhender la problématique
mondiale n'est pas celle de l'énergie mais bien celle du temps,
et cela même si la thèse de François Meyer était
erronée et si le taux de croissance des principaux indices de nos
sociétés industrielles n'était qu'exponentiel.
Une lueur d'espoir: la nouvelle diplomatie
multilatérale de l'environnement
Depuis plusieurs années déjà,
il n' est guère d'organisation internationale régionale qui
n'ait abordé l'une ou l'autre menace pesant sur l'environnement.
Le moratoire de cinquante ans sur toute exploitation minière ou
pétrolière dans l'Antarctique, décidé par les
Parties consultatives au Traité de l'Antarctique lors de leur conférence
de Madrid d'avril 1991, en constitue un exemple, sans doute exceptionnel,
mais assurément justifié par la fragilité de la Biosphère
dans cette région du monde.
Certaines agences spécialisées
des Nations Unies, comme 1'Unesco et l'Organisation météorologique
mondiale, ont même joué un rôle de pionnier en matière
d'environnement. L'ONU elle-même n'est pas restée inactive.
Dès 1972, la Conférence officielle de Stockholm et les conférences
"parallèles" qui eurent lieu dans la capitale suédoise à
l'initiative de diverses organisations non-gouvernementales (ONG) consacrèrent
l'accession de l'environnement au rang de problème justiciable de
la diplomatie multilatérale. Toutefois, en 1972, certains observateurs
ressentirent la localisation à Nairobi, capitale du Kenya, du Programme
des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) comme le signe que la communauté
internationale, alors marquée par la guerre froide, entendait bien
reléguer sinon l'environnement, du moins les problèmes posés
par lui, dans la périphérie, loin des centres où sont
prises les décisions.
En dépit de cette localisation,
et paradoxalement peut-être même grâce à elle
- car l'Afrique fait figure de continent écologiquement sinistré
du fait des sécheresses et f amines qui l'affectent désormais
chroniquement -, le PNUE contribua à sensibiliser aux problèmes
écologiques l'ensemble du système des Nations Unies. Aussi
bien, l'Assemblée générale des Nations Unies décida-t-elle
en décembre 1989 de convoquer une Conférence des Nations
Unies sur l'environnement et le développement qui se tiendra à
Rio de Janeiro en juin 1992, pour le vingtième anniversaire de la
Conférence de Stockholm. Dès lors se mit en place un processus
compliqué faisant intervenir la plupart des agences spécialisées
des Nations Unies mais également beaucoup d'ONG, parmi lesquelles
1'Union internationale pour la protection et la conservation de la nature
et de ses ressources (UICN), le WWF-International et surtout Greenpeace
jouent un rôle particulièrement actif. Une Conférence
mondiale sur l'énergie propre interviendra dans le cadre de ce processus,
à Genève, au début de novembre 1991. Le Comité
préparatoire de la Conférence des Nations Unies sur 1'environnement
et le développement, qui tient à Genève sa troisième
session en cet été 1991, est d'ores et déjà
saisi d' un projet de Greenpeace visant à substituer une Organisation
mondiale de l'énergie à l'Agence atomique de Vienne, créée
dans la foulée de l'"Atome pour la paix" des années 50, Agence
qui apparaît obsolète et déforcée par rapport
aux besoins énergétiques de l'humanité et singulièrement
du Tiers-Monde.
La Conférence de Rio de
Janeiro qui sera couronnée par une rencontre "au sommet" des chefs
d'Etats et de gouvernements, donc par un "Sommet de la planète",
débouchera-t-elle sur des conventions ou autres instruments juridiques
suffisamment contraignants ou bien sur des décisions en trompe-l'oeil?
Il est encore trop tôt pour le prédire. Relevons cependant
que seule une frange des milieux économiques, comme on désigne
pudiquement au niveau des multinationales les puissances d'argent, semble
avoir compris que l'on ne peut concevoir de bonnes affaires que dans ce
monde!
* * *
*
A
force d'avoir dévoré sans compter des énergies fossiles
puis fissiles accumulées sur des millions, voire des milliards d'années,
peut-être nos sociétés "chronophages" enivrées
de vitesse ont-elles accéléré la course de l'histoire
au point de n'avoir plus le temps, dans leurs bolides en compétition,
de regarder défiler le paysage, d'apercevoir les hordes misérables
de piétons souvent éclopés cheminant cahin-caha sur
les bas-côtés et les nombreux cyclistes pédalant à
l'entour; peut-être n'ont-elles plus même le temps de voir
la route devant elles, ni ses bifurcations, ni surtout la grande courbe
vertigineuse de la décroissance nécessaire qui se
profile à l'horizon et qui pourtant avait été dûment
signalisée.
D'aill«urs, les pilotes n'ont-ils
pas le regard rivé sur leurs rétroviseurs qui leur offrent
le spectacle sécurisant, car rectiligne, de la croissance passée
?
Genève, 15 août 1991.
Post scriptum
Le dossier scientifique qui figure
dans le présent numéro de SEBES n'a pas la prétention
d'avoir épuisé le thème de l'utilisation rationnelle
de l'énergie. Aussi bien, le dossier scientifique de notre prochain
numéro sera-t-il consacré au même thème, avec
toutefois, un accent particulier sur ses dimensions économiques.
