L'UTILISATION RATIONNELLE DE L'ENERGIE

2ème partie

La révolution bioéconomique
de Nicholas Georgescu-Roegen
A propos de la première conférence internationale
de bioéconomie à Rome les 28-30 novembre 1991
Jacques GRINEVALD
Institut d'études du développement, Université de Genève

Résumé: Pour Georgescu-Roegen, en rupture avec l'idéologie économique moderne, aussi bien marxiste que libérale, qui isole complètement l'économie de l'environnement terrestre, la bioéconomie considère le développement économique de l'espèce humaine dans le contexte écologique global de la planète Terre.
Zusammenfassung: Georgescu-Roegen bestreitet den Wert moderner Wirtschaftsideologien, gleichgültig ob sie marxistischer oder liberaler Inspiration sind, da Wirtschaft und Umwelt immer völlig voneinander getrennt werden. Nur die Bioökonomie löst die Entwicklung der Menschheit vom ökologischen Kontext des Planeten Erde nicht ab.
Summary: Georgescu-Roegen disputes modern economic ideology, both marxist and liberal, because it completely divorces economics from the environment. Only through bio-economics can the economic development of the humanity be viewed in the overall ecological context of planet Earth.
"La machine économique est, au fond, une exagération, une amplification colossale de l'organisme."
Paul Valéry

 
Du 28 au 30 novembre 1991, à Rome, dans les bureaux de la Fondation Européenne Dragan face à la colonne de Trajan et aux ruines de l'antique Ville de Rome, s'est tenue la première conférence internationale de la nouvelle European Assotiation for Bioeconomic Studies (E.A.B.S.)[1]. Le thème de cette rencontre scientifique, "Entropie et Bioéconomie", reprenait le titre du livre publié en 1986 par Joseph C. Dragan, le Président de la Fondation Européenne Dragan, et le professeur Mihai C. Demetrescu, Entropy and Bioeconomics: The New Paradigm of Nicholas Georgescu-Roegen[2].
     Encore largement inconnu dans le grand public, le nom de Georgescu-Roegen n'est pas celui d'un marginal, loin de là, mais d'un hérétique particulièrement redouté par l'establishment. Il est associé, depuis le début des années 70 (depuis "la révolution de l'environnement" et "la crise de l'énergie"), à l'idée que l'économie de la civilisation industrielle est un processus entropique, impliquant inévitablement, en vertu du deuxième principe de la thermodynamique (le principe de Carnot), une dégradation de l'environnement, un épuisement des ressources (matières premières) et une augmentation des déchets et de la
pollution. Une thèse qui ne plaît pas du tout à ses collègues économistes.
     Mathématicien de formation et de vocation, pionnier de l'économie mathématique, économètre chevronné, Georgescu-Roegen a définitivement rompu avec l'American Economic Association en 1985. Depuis des années, il est le dissident par excellence de la science économique de l'Occident[3]. Essentiellement reconnu de nos jours par les intellectuels du mouvement écologiste international, Georgescu-Roegen représente l'une des figures les plus savantes et les plus visionnaires de ce qu'on a appelé la nébuleuse écologique. Il est salué comme le fondateur d'un nouveau paradigme, qu'il nomme la bioéconomie. La conférence interdisciplinaire de Rome rendait hommage au professeur Nicholas Georgescu-Roegen à l'occasion de son 85 ème anniversaire.
Sans l'enthousiasme et la générosité des deux Roumains J.C. Dragan et M.C. Demetrescu et le soutien financier de la Fondation Dragan, sans l'intéret que suscite en Italie (bien plus que dans les pays d'expression française) le nouveau paradigme de Georgescu-Roegen[4], cette conférence de Rome n'aurait certainement pas eu lieu, et l'E.A.B.S., fondée à Venise en 1990, n'existerait sans doute pas non plus. L'absence des Français (à l'exception du jeune économiste Frank-Dominique Vivien, de l'école de René Passet[5] à l'Université de Paris I) mérite d'être signalée.
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Nicholas Georgescu-Roegen[6] est né à Constanza, en Roumanie, le 4 février 1906. Son premier séjour en France - il y revint souvent - remonte à 1926. C'est en effet à La Sorbonne, sous la direction du grand mathématicien Emile Borel, qu'il obtint en 1930 son doctorat en statistique. En février 1948; il émigra aux Etats-Unis; naturalisé américain en 1954,  Georgescu-Roegen vit actuellement retiré du monde dans sa petite maison des faubourgs de Nashville (Tennessee, USA). A l'Université Vanderbilt de cette ville, où il fit pratiquement toute sa carrière de professeur d'économie, de 1949 à 1976, il conserve une boîte aux lettres, mais très peu d'amis. Affaibli par l'âge, malheureusement, il n'a pas pu se déplacer à Rome. Sa présence symbolique n'en était pas moins manifeste: c'était le lien mystérieux rassemblant ceux qui se connaissaient déjà et ceux qui étaient venus, parfois de très loin (Pays scandinaves, Japon, Inde, Chine, Nouvelle Zélande, USA, Canada) pour faire connaissance avec la confrérie des "bioéconomistes".
     Les discours officiels de la cérémonie d'ouverture, un télégramme et un texte au ton assez "paternel" adressés par Georgescu-Roegen lui-même à "la première génération des bioéconomistes", entendaient bien faire de cette réunion de Rome un événement solennel et mémorable. Seul l'avenir le dira. Curieuse coïncidence géographique, l'un des premiers textes de la révolution bioéconomique de Georgescu-Roegen fut présenté lors d'une conférence organisée à Rome en 1965![7]
     Bien évidemment, il ne s'agit ici que d'un point de vue personnel, un commentaire partiel qui n'engage que son auteur. Il est clair qu'on ne résume pas en quelques lignes trente-cinq communications sur les "nouvelles approches de l'épistémologie des sciences", sur les "relations interdisciplinaires entre les sciences sociales et les sciences naturelles", sur "l'impact de la technologie sur la vie écologique et socio-économique", sur "la bioéconomie  et  l'économie  écologique".  Certaines communications étaient d'une technicité ou d'un jargon peu accessibles au non-initié. On voit cela dans tous les colloques! Il y a aussi l'écart qui sépare les présentations orales et les papiers. Enfin, il faudrait parler des entretiens de couloir, des conversations de table et des promenades. Un colloque, a fortiori en Italie et sous un ciel radieux, c'est souvent tout autre chose qu'un programme officiel! En l'occurrence, pourtant, ce dernier fut admirablement bien respecté. Les actes de cette première conférence de l'E.A.B.S. sont actuellement sous presse; ils viendront s'ajouter à la petite liste des conférences interdisciplinaires sur le thème "Economie-Ecologie" qui ont débuté à Stockholm en 1982[8] et qui ont abouti à la création, en 1988, de l'International Society for Ecological Economics (ISEE)[9] et à la publication de la revue scientifique Ecological Economics. Il n'existe pas, pour l'instant, de liens formels entre l'E.A.B.S. et l'I.S.E.E., mais nous sommes plusieurs chercheurs à faire le pont, à titre personnel, entre ces deux nouvelles sociétés savantes qui visent à réconcilier économie et écologie.
     A première vue, l'ambition - peut-être démesurée - de cette réunion d"'experts" sur le vaste et redoutable thème "Entropie et Bioéconomie" était à l'image de l'ampleur de la crise que traverse la pensée économique contemporaine, et bien entendu 1’économie tout court. 
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Ce qu'on peut aisément retenir au premier abord, c'est l'impression que l'aspect thermodynamique (énergétique) du nouveau paradigme proposé depuis plus d'une vingtaine d'années par Georgescu-Roegen est relativement bien assimilé, notamment par une nouvelle génération de chercheurs formés par l'écologie systémique (l'enseignement des frères Odum notamment)[10], mais que les aspects proprement "bio" (pas seulement bioénergétiques mais aussi évolutifs, écologiques, biogéochimiques et biosphériques) restent encore relativement peu développés, voire souvent mal compris.
Ce qui dérange sans doute le plus dans l'approche bioéconomique de Georgescu-Roegen, comme d'ailleurs dans la fameuse théorie Gaïa, tout aussi controversée[11], c'est  essentiellement la rupture avec le traditionnel point de vue anthropocentrique à courte vue qui caractérise notre société ndustrielle. La découverte des "aspects bio-économiques de 1’entropie", inséparables des racines économiques de la révolution thermodynamique (la révolution scientifique de Sadi Carnot) et de ses prolongements biologiques et écologiques[12], représente, selon Georgescu-Roegen[13], une nouvelle humiliation pour notre orgueil, une nouvelle blessure narcissique infligée à1’amour-propre de l'humanité par la pensée scientifique et s'ajoutant aux trois autres déjà mentionnées par Freud.
L'originalité de la pensée de Georgescu-Roegen, c'est essentiellement une vision évolutionniste du développement économique de l'espèce humaine associée aux lois de la nature et tout particulièrement à la Loi de l'Entropie (le deuxième principe de la thermodynamique), qu'il appelle "la plus économique des lois de la physique”[14]. C'est aussi une profonde méditation sur la vie, l'irréversibilité du Temps, l'imprévisibilité et l'irrévocabilité de "l'évolution créatrice" de la Nature, dont nous faisons partie à la fois comme vivant, comme groupe zoologique, Homo faber, et comme observateur doué de conscience, Homo sapiensProche sur ce point (mais sur ce point seulement) de Prigogine, Georgescu-Roegen est un pionnier de la nouvelle épistémologie du Devenir cosmique qui, bien après les grandes intuitions de Bergson et de Whitehead, semble de plus en plus s'imposer dans la communauté scientifique d'avant-garde, réconciliant, après un siècle de malentendus et de controverses, l'entropie et l'évolution[15].
     Pour la nouvelle génération des bioéconomistes (économistes écologistes), Georgescu-Roegen représente le premier economiste professionnel et pratiquement le seul (depuis Malthus) à poser sérieusement le problème de l'économie de l'espèce humaine dans son contexte écologique global, c'est-à-dire à l'échelle planétaire de la vie sur TerreKenneth Boulding a aussi proposé une semblable réforme théorique pour "l'économie du nouveau vaisseau spatial Terre"[16], mais, comme Georgescu-Roegen l'a signalé, son application des principes de la thermodynamique à la science économique laisse à désirer et contient en fait une  grave illusion sur le recyclage, hélas partagée par de nombreux écologistes qui croient pouvoir assimiler le rôle de la matière dans le processus économique et le cycle des éléments chimiques dans la nature. 
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Cela dit, la bioéconomie de Georgescu-Roegen (comme l'économie évolutionnaire de Boulding) se situe dans la "problématique de l'évolution"[17].
Les préoccupations socio-culturelles, bio-anthropologiques, environnementales, évolutives et planétaires de Georgescu-Roegen, qui témoignent de son appartenance à l'émergence de la "conscience écologique" du catastrophisme de l'âge nucléaire[18], constitue en première approximation une définition générale du champ de la bioéconomie. Pour parler comme Schumacher, 1e célèbre auteur de Small is Beautiful: Economics as if People Mattered, on pourrait dire que la bioéconomie, c'est l'économie comme si la Terre (Gaïa) avait de l'importance. En d'autres termes, la bioéconomie est la théorie de l'économie humaine dans le contexte évolutif et écologique global de la Biosphère de la planète Terre. Elle tient compte non seulement de l'ensemble de l'humanité présente mais encore des générations futures, non seulement du bien-être des êtres humains, mais encore de la santé de toute la Biosphère (Gaïa), dont la biodiversité est essentielle à son homéostasie. Comme dans l'écologie systémique, la cybernétique ou la théorie générale des systèmes, les considérations thermodynamiques jouent ici un rôle fondamental, paradigmatique.
     La naissance de la bioéconomie, en tant que nouveau paradigme scientifique (avec sa dimension éthique: "Aime ton espèce comme toi-même"!), réclamait un immense effort intellectuel, à contre-courant de l'actuelle division du savoir en disciplines académiques de plus en plus spécialisées. Pour notre mathématicien roumain devenu économiste américain, ce fut une "aventure" (c'est son terme), inséparable de l'histoire des idées scientifiques et philosophiques du XXe siècle. Dans les années à venir, Georgescu-Roegen fera figure, j'en suis pour ma part convaincu, de géant de la pensée critique du XXe siècle, de prophète injustement méconnu de ses contemporains. Son esprit encyclopédique lui a déjà valu parfois d'être comparé aux hommes universels de la Renaissance[19]. Il est conscient lui-même de faire partie du petit nombre des esprits lucides et novateurs, ceux qui pensent en avance sur leur temps[20].
     Le terme même de bioéconomie peut prêter à confusion dans la mesure où il est déjà utilisé (et cela depuis le début du siècle) pour désigner l'étude de la manière dont les organismes vivants répartissent leurs ressources pour optimiser leur reproduction dans la compétition darwinienne qu'est la lutte pour la vie, et, plus récemment, pour parler de l'économie ou plutôt de la gestion des ressources biologiques (renouvelables). Il s'agit là plutôt de l'application de la science économique à l'écologie[21] et non le contraire. Un spécialiste de cette "bioéconomie mathématique", Colin W. Clark, utilise aussi le terme de bioéconomie pour parler de "l'ensemble des interactions entre les systèmes biologiques d'une part et les systèmes économiques humains d'autre part"[22], mais cet écologiste américain semble ignorer les travaux de Georgescu-Roegen (cités pourtant par Eugene Odum).
Pour l'auteur de Energy and Economic Myths, s'il doit y avoir réconciliation entre l'économie et l'écologie[23], ce ne peut être que dans le sens d'une intégration de l'économie dans l'écologie[24]. Intégration ne veut pas dire fusion mais hiérarchie organisationnelle et fonctionnelle (comme dans la théorie écosystémique de l'organisation biologique)! 
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La raison de cette prééminence de l'écologie sur l'économie est simple: l'économie n'est qu'une science particulière de l'économie (de l'espèce humaine) tandis que l'écologie est une science générale de l'économie de la Nature, le grand Tout de la vie sur Terre dont l'économie humaine n'est qu'une partie. L'écologie n'ignore nullement l'homme, elle est une science de l'homme et de la nature, car l'homme est de et dans la Biosphère de la planète Terre, comme l'enseignait Vernadsky à Paris dans les années 1920[25]. En ignorant l'écologie, et donc l'environnement, la nature, notre appartenance à la Biosphère (Gaïa), l'économie a fait fausse route[26]. Avec son approche énergétique, biogéochimique et écosystémique, l'écologie moderne est l'étude de l'économie de la nature, la Biosphère, avec ses cycles biogéochimiques et ses écosystèmes: l'humanité et son "métabolisme industriel" en font intégralement partie[27]. Cette réforme du savoir occidental, qui n'en est visiblement qu'à ses ébuts, constitue une remise en question de toute la culture urbano-industrielle de notre monde moderne; c'est pourquoi  on a appelé l’écologie une “science subversive”[28].
The Entropy Law and the Economic Process (Harvard University Press), publié par Georgescu-Roegen en 1971 (non encore traduit en français), et qui développe les idées esquissées dans la première partie (livre en soi) de Analytical Economics[29] est sans doute l'ouvrage le plus profond, le plus savant, le plus écologique, le plus subversif... et aussi le plus méconnu de la pensée scientifique et épistémologique du XXe siècleLe maître livre du professeur Nicholas Georgescu- Roegen est significativement très mal apprécié, sans doute parce qu'il détruit le "mur de Berlin" académique qui sépare les sciences de l'homme et les sciences de la nature. A cet égard, Georgescu-Roegen va nettement plus loin, en direction de l'écologie globale, que Prigogine[30], prix Nobel de chimie, dont les travaux sur la thermodynamique du non-équilibre et les "structures dissipatives" ne tirent pas les mêmes conclusions philosophiques et sociales de ce qu’on peut et doit nommer (à la suite de l’immense métamorphose de notre vision scientifique du monde déclenchée de manière inouïe en 1824 par les Réflexions sur la puissance motrice du feu du jeune Sadi Carnot)  la révolution carnotenne[31]. Pratiquement tous les commentaires de The Entropy Law and the Economic Process - qui ignorent généralement ce concept de révolution carnotienne - illustrent l'embarras de la critique face à une oeuvre qui défie les fondements mêmes de la philosophie scientifique dominante depuis le triomphe de la mécanique statistique et de ses multiples avatars scientifiques et idéologiques.
     Inachevée, dispersée, immense, encyclopédique, l'oeuvre de Nicholas Georgescu-Roegen n'est pas d'un accès facile. Il faut un certain temps pour la repérer dans son ensemble, la lire attentivement, la comprendre et l'assimiler. Pour reprendre une formule de son collègue et ami Paul A. Samuelson, la pensée de Georgescu-Roegen "intéressera encore les esprits, alors que nos gratte-ciels seront retournés en poussière"[32]. Il ne faut sans doute pas trop s'étonner si la révolution bioéconomique de Georgescu-Roegen, dans ce qu'elle a d'essentiellement épistémologique, en tant que nouvelle vision planétaire du développement économique de l’humanité, n'est pas à l'ordre du jour des grands débats politiques sur l'environnement et le développement.
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Et n'oublions pas que l'actualité internationale de ces débats ne date pas du "Sommet de la Terre" à Rio de Janeiro, mais bien de la conférence de Stockholm sur "l'environnement humain" (sic), en juin l972[33].
     A propos de la CNUED et du fameux "rapport Brundtland", la conférence de Rome a pris connaissance d'un texte de Georgescu-Roegen dans lequel on trouve une critique virulente de la nouvelle doctrine internationale du sustainable development: une "charmante berceuse", écrit Georgescu-Roegen! Il est clair que la plupart des gens, à commencer par les politiciens et les économistes orthodoxes, y compris de nombreux "experts de l'environnement', interprètent le sustainable development comme la nouvelle formule magique non seulement du "développement écologiquement soutenable" mais encore - alors que c'est très différent - de la "croissance durable". Plusieurs communications présentées à Rome furent consacrées à ce concept de "soutenabilité", qui préoccupe depuis longtemps Georgescu-Roegen et qui est loin d'être purement académique[34].
     Sur ce point, l'économiste américain Herman Daly (né en 1938), ancien élève de Georgescu-Roegen, critiqué par son maître au début des années 70 pour son plaidoyer en faveur de "l'état stationnaire" (steady state economies) comme alternative à la croissance, représente aujourd'hui un point de vue bioéconomique d'autant plus remarquable qu'il est devenu un conseiller de la Banque mondiale, membre de son nouveau département "Environnement". Daly a le mérite aujourd'hui de dire très clairement, en suivant l'enseignement de Georgescu-Roegen, qu'il ne faut pas confondre croissance et développement, et qu'il ne peut plus y avoir, à l'échelle écologique globale du “monde fini” de la Biosphère, de croissance durable[35]. Hélas, certaines disputes entre maîtres et disciples sont fréquentes. Déplorant l'incompréhension et le mauvais caractère de son ancien professeur, Daly n'a pas cru bon de participer à la conférence de Rome.
     Il faut rappeler ici que la distinction entre croissance et développement avait déjà été établie par Joseph A. Schumpeter (1883-1950), le maître de Georgescu-Roegen à Harvard (en 1934-36). La croissance, c'est produire plus; le développement, c'est produire autrementLa pensée de Schumpeter, lontemps négligée, retrouve de nos jours un spectaculaire regain de faveur du côté de ce qu'on appelle l'économie institutionnelle et l'économie évolutionnaire[36]. Georgescu-Roegen s'est toujours voulu le seul authentique disciple de Schumpeter! Dans sa perspective bioéconomique, la croissance économique (et démographique) mondiale doit non seulement être stabilisée, mais inversée, autrement dit "Demain la décroissance"[37], si l'humanité veut sauvegarder durablement l'habitabilité de la Biosphère du Quaternaire qui a vu l'apparition et l'expansion du "phénomène humain" sur le globe.
Dans cette perspective, il est clair que l'économie mondiale doit nécessairement respecter certaines limites écologiques globales liées à la capacité de charge des écosystèmes, à la productivité primaire qui dépend de la photosynthèse globale[38], à l'intégrité de la biodiversité, à la stabilité des cycles biogéochimiques, à l'équilibre du système climatique du globe, en somme respecter la santé, l'homéostasie du très complexe système géophysiologique de la Biosphère (au sens de Vernadsky) que James Lovelock et Lynn Margulis nomment Gaïa. Le dernier livre de Jim Lovelock s'intitule Gaïa: The Practical Science of Planetary Medecine (Londres, Gaïa Books, 1991). 
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D'une manière similaire et convergente, on pourrait dire que la bioéconomie est la science pratique de l'économie planétaire. Ajoutons ici que les similitudes de pensée entre Lovelock et Georgescu-Roegen à propos de la vie et de l'entropie, de la coévolution entre le vivant et l'environnement, qui puisent en fait aux mêmes sources (Lotka, Schrödinger), sont tout à fait remarquables.
Herman Daly, dont le dernier livre est écrit en collaboration avec le théologien John B. Cobb Jr.[39], est sans doute le représentant de la nouvelle économie écologique qui contribue le plus efficacement à la critique du dogme économique dominant et à la diffusion du nouveau "modèle économique" holistique reliant l'approche paradigme bioéconomique de GeorgescuRoegen avec l'essor récent de la conscience et de la science du système Terre comme Biosphère[40].
En l'absence de Daly, la voix la plus autorisée fut celle de l'économiste catalan Juan Martinez-Alier, professeur à l'Université autonome de Bellaterra (Barcelone), auteur d'un important livre sur les précurseurs méconnus de l'analyse écoénergétique et l'économie écologique[41] et éditeur de la nouvelle revue internationale (en espagnol) Ecologia politica. A Rome, sa participation remarquable a fait de lui, nonobstant sa modestie peu commune, un véritable directeur de conscience.
Pour tenter de saisir la signification de cette première conférence internationale sur l'entropie et la bioéconomie, il convient de reconnaître que, d'une manière générale, la visibilité de la pensée hétérodoxe de Georgescu-Roegen (souvent maladroitement interprétée ou vulgarisée[42]) reste encore très faible, non seulement dans le grand public et les milieux politiques et économiques, cela va sans dire, mais même dans les milieux scientifiques et académiques. Cependant, et précisément parce qu'elle est occultée, pour ne pas dire censurée par "les multinationales de la pensée" (Michel Serres), l'oeuvre révolutionnaire de Georgescu-Roegen intéresse et interpelle de plus en plus tous les "dissidents" du modèle dominant de l'Occident. La conférence de Rome a démontré que l'audience des thèses de Georgescu-Roegen s'étend désormais à tous les continents[43] - tous représentés en effet à Rome.
     Quoique difficilement perceptible, cette diffusion mondiale du paradigme bioéconomique a commencé dès l'époque de la retentissante conférence de Stockholm, en 1972, grâce à Georgescu-Roegen lui-même bien entendu, mais aussi à Herman Daly. C'est notamment par l'intermédiaire de Daly que The Ecologist, la revue créée en Angleterre par Edward Goldsmith, a diffusé (en 1972 et en 1975) le message hérétique de Georgescu-Roegen[44]. L'intérêt des écologistes pour la problématique développement-environnement et celui de certains ingénieurs et économistes pour l'approche écosystémique (éco-énergétique surtout) ont marqué l'essor ces dernières années du mouvement interdisciplinaire pour une "économie écologique", représenté essentiellement par l'International Society for Ecological Economics et sa revue scientifique Ecological Economics. C'est évidemment un mouvement favorable à Georgescu-Roegen, mais qui l'oublie souvent, ou le déforme, parce que les héritiers n'ont guère de respect pour les fondateurs longtemps solitaires, comme Léonard de Vinci dont on a écrit qu'il semblait "un homme éveillé trop tôt dans les ténèbres, cependant que tous dormaient encore".
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Face au silence embarrassé de la communauté scientifique[45] et de la corporation de ses collègues économistes[46], ce sont surtout les théoricien(ne)s de l'écologie politique, du moins certains d'entre eux, qui ont le mieux accueilli la contestation de la science économique dominante[47] de l'auteur de The Entropy Law and the Economie Process[48]. Mais, comme on sait, les penseurs les plus sérieux et les plus profonds de l'écologie politique n'ont pas toujours bonne presse, voire ne sont encore guère connus. De plus, s'il a largement développé ses thèses hétérodoxes sur l'entropie (dans des études parfois difficiles mais aussi dans des textes plus facilement accessibles) et sur l'aspect biophysique, thermodynamique[49] (et non mécanique), du processus économique, sans oublier ses aspects socio-culturels ou institutionnels[50], Georgescu-Roegen n'a toujours pas publié Bioeconomics[51], le livre qu'il annonce depuis 1976, et auquel il travaillait lorsqu'il était professeur à la Faculté des sciences économiques de l'Université Louis Pasteur à Strasbourg (1977-78), et à l'époque où il m'invita à travailler chez lui, à Nashville, en 1982.
Pour Georgescu-Roegen, en rupture avec l'idéologie économique moderne (aussi bien marxiste que libérale, qui isole complètement la mécanique du "circuit économique" de l'environnement terrestre), le concept de bioéconomie va au-delà de l'analogie schumpétérienne entre le développement économique[52], associé aux innovations (des techniques notamment), et l'évolution biologique, il vise essentiellement à donner un statut conceptuel et théorique à la dimension biologique, et donc aussi écologique, du développement économique, inséparable de ses variables démographiques et technologiques, de l'espèce humaine dans le contexte écologique global de la planète TerreEn effet, si certains économistes, comme Thomas Malthus, Alfred Marshall et surtout Joseph Schumpeter, entrevirent des similitudes entre le processus biologique et le processus économique, Georgescu-Roegen a réalisé qu'il fallait approfondir cette problématique bioéconomique négligée, en chercher "la raison profonde"[53]. Pour Georgescu-Roegen, ce fut une longue aventure intellectuelle, qui commença bien avant l'adoption du terme bioéconomie[54]: dès les années 50, il comprit définitivement que la science économique devait se transformer radicalement, quitter ses habitudes de pensée mécanistes héritées du prestige de la physique newtonienne, s'aventurer dans les nouveaux sentiers de l'épistémologie du vivant et des processus irréversibles. Il fallait envisager l'économie humaine dans le cadre général des sciences du vivant et de la Terre, considérer le processus économique comme un système ouvert, dissipatif, inséparable de ses échanges avec l'environnement terrestre qui nourrit toute vie.
Comme l'avait remarqué le biomathématicien américain Alfred Lotka (1880-1949) dans ses travaux pionniers de biologie physique et d'écologie théorique, l'économie possède des "fondements biologiques"[55]. Herman Daly, à la suite de Boulding et Georgescu-Roegen, souligna, lui aussi, à partir de 1968, "les fondements biophysiques de l'économie", mettant en évidence l'analogie physiologique entre le métabolisme de tout organisme vivant et les échanges du système économique avec l'environnement[56]
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Dans la perspective de l'enseignement de Vernadsky, continué aux Etats-Unis par G.Evelyn Hutchinson (1903-1991) et l'école de Yale qu'il fonda (avec R. Lindeman), il est juste de parler aussi des fondements biogéochimiques et biosphériques du développement économique de l'humanité[57].
Poursuivant la voie ouverte par Lotka et les recherches interdisciplinaires à la frontière de la biologie théorique, des sciences physico-chimiques et de la cybernétique, marquées notamment par l’admirable petit livre What is Life? (1944) d'Erwin  Schrödinger[58],  Georgescu-Roegen  adopta définitivement, dès le début des années 60, l'idée que le processus économique est la continuation de l'évolution biologique de l'homme par d'autres moyens, ses instruments techniques, "exosomatiques"[59]. Autrement dit, la technique, socialement liée au genre de vie[60], à la culture au sens anthropologique du terme, est constitutive de la diversité des sociétés, mais aussi de l'inégalité sociale[61], en même temps que de l'écologie humaine.
     Pour l'école bioéconomique, la pensée économique doit retrouver son inspiration première, qui se situait historiquement au voisinage des sciences de la vie, de la physiologie et de l'agronomie notamment. Quesnay, le père de la découverte du "circuit économique", était médecin et les physiocrates utilisèrent explicitement l'analogie de la circulation du sang dans le microcosme animal, associée dans la cosmologie baroque à la circulation de l'eau dans le macrocosme terrestre. Au siècle des Lumières, "le système de la Terre" du docteur James Hutton illustre bien cette vision organique, cyclique et stable, de la "machine du monde". Significativement, James Lovelock, le père spirituel de la théorie Gaïa et qui possède aussi une formation médicale, réactive de nos jours cette tradition scientifique lio~istique et organiciste en parlant de "géophysiologie"[62].
Cependant le processus économique, surtout avec l'industrialisation, n'est pas seulement métabolique, au sens physiologique et biochimique du terme, il est aussi entropique, dissipatif, évolutif et historique, précisément à cause de la Loi de l'Entropie, c'est-à-dire de la dégradation inhérente aux transformations thermodynamiques irréversibles qui s'opèrent entre le système productif de la société et la géochimie de l'environnement, en l'occurrence les ressources naturelles extraites de la lithosphère, c'est-à-dire l'énergie (les combustibles fossiles surtout) et la matière utilisables (les minéraux utiles), transformées, utilisées, usées et finalement rejetées dans notre environnement terrestre limité[63]. La théorie thermodynamique montre clairement que ce processus de transformation anthropogéochimique est naturellement entropique. L'épuisement irrévocable des ressources minéralogiques, la pollution et la dégradation de l'environnement, de la Biosphère, s'éclairent d'une manière frappante à la lumière du deuxième principe de la thermodynamique. Il nous reste à comprendre que l'histoire économique de l'Occident a provoqué une véritable rupture socio-écologique avec ce que j'ai appelé la révolution thermo-industrielle (dont Sadi Carnot est, en avance sur son temps, le premier théoricien). Nous n'en sommes pas encore sortis.
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     Même tardivement, lorsque les deux principes fondamentaux de la thermodynamique seront bien établis, et la loi de l'entropie croissante clairement énoncée, la pensée économique occidentale, rivée à son dogme mécaniste, ne verra rien! Elle continuera à imaginer le monde du système économique comme les disciples de Newton et Laplace imaginaient la mécanique céleste, l'admirable science mathématique du système du monde. On continua à faire gloire à James Watt de l'invention de la machine à vapeur, le moteur du développement industriel, tout en ignorant le génie de Sadi Carnot et la révolution thermodynamique déclenchée par son mémoire de 1824![64] En d'autres termes, l'industrialisation de la planète n'a pas, dans la science économique moderne, la théorie de sa pratique. D'où l'urgente nécessité de la théorie bioéconomique créée par Georgescu-Roegen.
Il s'agit de rompre avec cette "envie de la physique"[65] qui forma l'imagination scientifique des fondateurs de l'économie comme discipline scientifique, car le modèle classique de la physique envié et imité servilement par les économistes (et surtout les néo-classiques) n'est, à la lumière de la révolution carnotienne (et la loi de l'entropie), qu'un paradigme mécaniste qui occulte la dimension proprement biophysique et écologique du développement industriel. La science économique, en tant que science humaine (et non cette idéologie scientifique institutionnellement bien établie de nos jours), doit donc se situer non du côté de la physique[66] mais de la biologie, entendue au sens le plus large du terme, dans la perspective globale de l'écologie. Comme l'écrivait d'une manière prophétique dans un article de 1957 l'économiste et philosophe français Bertrand de Jouvenel (1903-1987), il nous faut passer désormais (à présent que nous voyons, pour la première fois dans l'histoire, la Terre, notre Terre-Mère, la Biosphère, comme une petite planète ronde, vivante et fragile, protégée de l'espace cosmique par sa fine membrane atmosphérique) "de l'économie politique à l'écologie politique"[67].
     La science économique moderne, typique de la civilisation urbano-industrielle de l'Occident, est à la fois trop peu matérialiste, puisqu'elle ignore la nature (la Terre, l'environnement, les ressources naturelles, la pollution), et trop matérialiste, car elle ne comprend pas que le véritable "produit" du processus économique ne peut être un flux matériel entropique (des ressources de basse entropie transformées en déchets de haute entropie!). 
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Comme Georgescu-Roegen l'a mis en évidence dès son premier grand livre de 1966, la finalité proprement humaine - et à vrai dire aussi biologique - du processus économique est essentiellement immatérielle, spirituelle si l'on veut parler comme Bergson, et c'est la jouissance de la vie elle-même, ce que notre auteur nomme en français la "joie de vivre". En somme, la bioéconomie est une science nouvelle qui renoue avec une sagesse immémoriale: "Il n'y a de richesse que la vie", comme l'écrivait John Ruskin dans Unto This Last.
     La bioéconomie n'est pas du tout une réduction du social au biologique et encore moins à la thermodynamique, parce que la technique, tout en étant une extension "exosomatique" de l'évolution biologique de l'homme, est un phénomène proprement culturel, lié aux capacités cognitives et inventives d'Homo sapiens faber. Interface entre la société et la nature, l'économie et l'environnement, la technique moderne façonne le développement économique tout en transformant la face de la Terre. En cela l'humanité, spécialement depuis la révolution thermo-industrielle, est devenue une véritable force géologique! Comme l'évolution biologique[68], l'évolution technologique (culturelle) est imprévisible et ponctuée de discontinuités: les inventions majeures de la technique (et donc de la culture) sont l'équivalent des mutations biologiques dans l'évolution sociale de l'espèce humaine. D'où l'inégalité sociale, à l'intérieur des sociétés comme entre les sociétés - que notre idéologie industrielle appelle développées (modernes) ou sous-développées (traditionnelles ou primitives). La bioéconomie, au sens où l'entend Georgescu-Roegen, considère le développement techno-économique de l'espèce humaine dans l'unité de son enracinement biophysique comme dans la diversité de son évolution culturelle, sans jamais perdre de vue les contraintes et les limites de la planète Terre et de sa Biosphère. Cette affirmation des limites est sans doute l'aspect le plus écologique, voire le plus malthusien, du "message terrestre" de GeorgescuRoegen[69]. C'est évidemment cette réintégration de l'humain dans la nature qui semble le plus difficilement acceptable pour l'anthropocentrisme moderne essentiellement issu de la tradition religieuse judéo-chrétienne de l'Occident médiéval[70].
p.28

Notes:
1 Secrétariat général: E.A.B.S., 11 Via Larga, 20122 Milan, Italie.
2 J.C. Dragan et M.C. Demetrescu, Entropy and Bioeconomics: The New Paradigm of Nicholas Georgescu-Roegen , Milan, Nagard, 1986, rééd. 1991, 240p.
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3 Voir N. Wade, "NichQlas Georgescu-Roegen: entropy the measure of economic man", Science, 1975, 190, pp.447-450.
J. Grinevald, "La perspective bioéconomique de Nicholas Georgescu-Roegen", Questions à la Bioéconomie, Cahiers du GERMES, 4, Paris, juin 1980, pp.27-50; "Le sens bioéconomique du développement humain: l'affaire Nicholas Georgescu- Roegen", Revue européenne des sciences sociales, 1980, 51, pp.59-71.
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4 N. Georgescu-Roegen, Analisi economica e processo economico, introduzione di G. Becattini, Florence, Sansoni, 1973. Stefano Zamagni, Georgescu-Roegen: i fondamenti della teoria del consumatore, Milan, Etas Libri, coll. "Gli economisti", 1979 (excellente monographie mais qui ne traite pratiquement pas des aspects thermodynamiques et bioéconomiques). N. Georgescu- Roegen, Energia e miti economici, introduzione di Stefano Zamagni, Turin, Boringhieri, 1982 Mercedes Bresso, Pensiero economico e ambiante, Turin, Loescher, 1982. J. Grinevald, "N. Georgescu-Roegen: Energia e miti economici", Note
 economiche (Monte dei Paschi di Siena), 1984, 2, pp.173- 177. Romano Molesti, "I fondamenti scientifici dell'economia ambiantale: l'opera di N. Georgescu-Roegen", Economia e Ambiante, 1986, 5(3), pp.17-40. Enzo Tiezzi, Tempi storici, tempi biologici, Milan, Garzanti, 1984. Silvana De Gleria, "La penombra dialettica, legge di entropia e processo economico nel pensiero di Georgescu-Roegen", QualEnergia, 1985, 11-12, pp.58-62.
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5 F.-D. Vivien fit une communication sur Sadi Carnot économiste, qui donnait un bref aperçu de sa thèse: Sadi Carnot économiste, enquête sur un paradigme perdu: économie-thermodynamique-écologie, Thèse pour le Doctorat en sciences économiques, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, 1991, inédit. René Passet, auteur de L'Economique et le vivant (Paris, Payot, 1979), est à ma connaissance le seul professeur d'économie, en France, à développer une "approche bio-économique" cherchant à intégrer, selon ses propres termes, la sphère économique dans la sociosphère et la Biosphère.
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6 Voir N. Georgescu-Roegen, "An emigrant from a developing country: autobiographical notes I", Banca Nazionale del Lavoro-Quarterly Review, 1988, 164, pp.3-31; "Nicholas Georgescu-Roegen about himself'" in Michael Szenherg, ed., Eminent Economists: Their Life Philosophies, Cambridge, Cambridge University Press, 1992, pp.128-159.
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7 N. Georgescu-Roegen, "Process in farming versus process in manufacturing: a problem of balanced development", in Ugo
Papi et Ch. Nunn, eds., Economic Problems of Agriculture in Industrial Societies, London, Macmillan, New York, St. Martin's Press, 1969, pp.497-528, republié in Energy and Economic Myths, New York, Pergamon, 1976, chap.5.
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8 Ann-Mari Jansson, ed., Integration of Economy and Ecology: An Outlook for the Eighties, Stockholm, University of
Stockholm, Wallenberg Foundation for International Cooperation in Science, 1984, 240p.
9 Voir les actes de la première conférence internationale de l'ISEE, en mai 1990, à la Banque mondiale, à Washington:
Robert Costanza, ed., Ecological Economics: The Science and Management of Sustainibility, New York, Columbia University Press, 1991, 525p.
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10 Voir les communications à la conférence de Rome de Mario Giampietro (Rome), Escaping the Georgescu-Roegen paradox on development: equilibrium and non-equilibrium thermodynamics to describe technological evolution; Tage Frändberg (Stockholm), Entropy and systems thinking -simulation of living systems; Folke Günther et Carl Folke (Stockholm), Principles of Living Systems with special reference to ecological engineering and human settlement planning.
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11 J. Lovelock, Les Ages de Gaïa, trad. de l'anglais (1988), Paris, Robert Laffont, 1990. J. Grinevald, "Sketch for a history of the idea of the Biosphere", in P. Bunyard et E. Goldsmith, eds., Gaia, the Thesis, the Mechanisms, and the Implications, Camelford, Cornwall, U.K., Wadebridge Ecological Centre, 1988, pp.1-32. Stephen Schneider et Penelope Boston, eds., Scientists on Gaia, Cambridge, Mass., MIT Press, 1991, 433p.
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12 J. Grinevald, La notion d'entropie dans la pensée contemporaine, Besançon, Faculté des lettres et des sciences humaines, mémoire de maîtrise de philosophie, 1973, inédit; Energie et civilisation: de Vitruve à Carnot et retour, Paris,
Université de Paris-X Nanterre, Faculté des lettres, thèse de doctorat de philosophie (3e cycle), 1979, inédit. Dimensions historiques et culturelles de la problématique énergétique en Europe, Ispra (Italie), Commission of the European Communities, Ispra Courses, EMPI84/2, 1984, 61p.
13 N. Georgescu-Roegen, "Bio-economic aspects of entropy", in L. Kubat and J. Zeman, eds., Entropy and Information in Science and Philosophy, Prague, Academia, Amsterdam, Elsevier, 1975, pp.125-142.
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14 "La  plus métaphysique des lois de la physique", avait écrit H. Bergson (L'Evolution créatrice, (1907), in Oeuvres, Edition du Centenaire, Paris, PUF, 1959, p.701). "La plus puissante loi du monde", écrivait Paul Valéry (Oeuvres, Paris, Gallimard, La Pléiade, t.I, 1957, p.330). Selon l'astrophysicien anglais Arthur S. Eddington, la loi de l'accroissement de l'entropie "occupe la position suprême parmi les lois de la Nature" (La Nature du monde physique, trad. de l'anglais (1928), Paris, Payot, 1929, p.89).
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15 Voir Benjamin Gal-Or, Cosmology, Physics, and Philosophy, New York, Springer-Verlag, 1981; Daniel R. Brooks and
E.O. Wiley, Evolution as Entropy: Toward a Unified Theory of Biology, Chicago, University of Chicago Press, 1986; Jeffrey S. Wicken, Evolution, Thermodynamics, and Information: Extending the Darwinian Program, Oxford, Oxford University Press, 1987; Bruce H. Weber, David J. Depew and James D. Smith, eds., Entropy, Information and Evolution: New Perpectives on Physical and Biological Evolution, Cambridge, Mass., MIT Press, 1988; et Peter Coveney et Roger Highfield, The Arrow of Time, Londres, Flamingo, (1990)1991 (livre qui situe bien les travaux de Prigogine et de son école dans l'histoire de la pensée scientifique).
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16 K. Boulding, "The economics of the coming spaceship Earth", in H. Jarrett, ed., Environmental Quality in a Growing Economy, Resources for the Future, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1966, pp.3-14. Célèbre texte reproduit dans plusieurs anthologies sur l'environnement, notamment H. Daly, ed., Toward a Steady-State Economy, San Francisco, Freeman, 1973, pp.121-132; 2e éd. revue et augmentée: Economics, Ecology, Ethics, San Francisco, Freeman, 1980, pp.253-263.
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17 Voir F. Meyer, L'Accélération évolutive, Paris, Librairie des sciences et des arts, 1947; Problématique de l'évolution, Paris, PUF, 1954; "Situation épistémologique de la biologie", in Jean Piaget, ed., Logique et connaissance scientfique, Paris, Gallimard, "Encyclopédie de la Pléiade", 1967, pp.781-821; La surchauffe de la croissance: essai sur la dynamique de l'évolution, Paris, Fayard, 1974.
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18 Ivo Rens et J. Grinevald, "Réflexions sur le catastrophisme actuel", in Pour une Histoire qualitative. Etudes offertes à Sven Stelling-Michaud, Genève, Presses universitaires romandes, 1975, pp.283-321. J. Grinevald, "Entropologie: le catastrophisme en perspective", in Crise et chuchotements, Cahiers de l'IUED, 15, Genève, Paris, PUF, 1984, pp.165-195.
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19 "To Nicholas Georgescu-Roegen - the scholar, the teacher, the humanist - we pay homage as a true Renaissance man", dit la nomination de N. Georgescu-Roegen comme Distinguished Fellow of the American Economic Association publiée sur le frontispice de 1'American Economic Review de juin 1972 (vol.62, no 3.), cité in Anthony M. Tang, Fred M. Westfield, James S. Worley, eds., Evolution, Welfare and Time in Economics: Essays in Honor of Nicholas Georgescu-Roegen, Lexington, Mass., Lexington Books, 1976.
20 N Georgescu-Roegen, "Are there minds that think above their time? The case of Hermann Heinrich Gossen", Rivista internationale di scienze economiche e commerciali, 1984, 12,pp 1141-1161.
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21 Sur l'influence du modèle économique en écologie, voir Donald Worste, Les pionniers de l'écologie: une histoire des idées écologiques, trad. de l'américain (1977), Paris, Sang de la terre, 1992, surtout le chap. 14. Voir aussi David J. Rapport et James E. Turner, "Economic models in ecology", Science, 1977, 195, pp.367-373; et Ivo Rens et J. Grinevald, Jalons pour une historiographie de l'écologie politique", Cadmos, 1979, 5, pp.18-26.
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22 Colin W. Clark, "Bioeconomics", in J. Roughgarden et al., eds., Perspectives in Ecological Theory, Princeton, Princeton University Press, 1989, pp.275-286.
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23 N. Georgescu-Roegen, Energy and Economic Myths: Institutional and Analytical Economic Essays, New York, Pergamon, 1976, p.30. N. Georgescu-Roegen, Demain la décroissance: entropie-écologie-économie, Lausanne, Favre, 1979, p.94.
24 (J. Grinevald) "L'économiste Georgescu-Roegen: intégrer l'économie dans la problématique énergétique et écologique", Uni information, Service de presse et d'information de l'Université de Genève, juin-juillet 1974, 36, pp.28-29.
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25 J. Grinevald, Vernadsly and Lotka as source for Georgescu-Roegen's Bioeconomics, 2nd Vienna Centre Conference on Economics and Ecology, Barcelona, 26-29 septembre 1987, polycopié. Version espagnole: "Vernadsky y Lotka como fuentes de la bioeconomia de Georgescu-Roegen", Ecologia politica, 1990, 1, pp.99-122.
26 Voir aussi Paul Ekins et al., The Gaia Atlas of Green Economics, New York, Anchor Books, 1992, 191p. P. Ekins, ed., The Living Economy: A New Economics in the Making, Londres, Routledge and Kegan Paul, 1986, 398p.
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27 Dans la perspective ouverte par Georgescu-Roegen, voir C.A.S. Hall, C.J. Cleveland et R. Kaufmann, Energy and Resource Quality: The Ecology of the Economic Process, New York, Wiley-Interscience, 1986, 577p. Geoffrey P. Glasby, "Entropy, pollution and environmental degradation", Ambio, 1988, 17(5), pp.330-335. William C. Clark, "L'écologie humaine et les changements de l'environnement planétaire , Revue internationale des sciences sociales, août 1989, 121, pp 349-382 Robert U Ayres, Le métabolisme et les changements de 1'environnement planétaire", Revue internationale des sciences sociales , août 1989, 121, pp. 401-412.
28 Paul Shepart et Daniel McKinley, eds , The Subversive Science: Essays Toward an Ecology of Man, Boston, Houghton Mifflin Company, 1969, 453p.
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29 N. Georgescu-Roegen, Analytical Economics Issues and Problems, préface de Paul Samuelson, Harvard University Press, 1966, 434p.; trad. fr.: La science économique: ses problèmes et ses difficultés, Dunod, 1970, 300p. préface d'Henri Guitton, Paris,
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30 La Nouvelle Alliance. Métamorphose de la science (Paris, Gallimard, 1979, 2e éd. 1986) d'Ilya Prigogine et Isabelle Stengers, qui est un livre important, souvent proche de The Entropy Law and the Economic Process, passe curieusement sous silence les conséquences bio-économiques de la révolution carnotienne. La nature dont parle La Nouvelle Alliance n'a apparemment pas de dimensions géographiques et géologiques; elle est certes un monde dynamique, une "évolution créatrice", mais reste somme toute un univers assez abstrait, sans réelles dimensions cosmiques concrètes. A trop insister sur les structures dissipatives, sur les systèmes ouverts, Prigogine semble oublier la clôture biogéochimique et atmosphérique de la Biosphère et les limites géophysiques du globe.
31 J. Grinevald, "La révolution carnotienne: thermodynamique, économie et idéologie", Revue européenne des sciences sociales, 1976, 36, pp.39-79; "Révolution industrielle, technologie de la puissance et révolutions scientifiques", in La fin des outils, Cahiers de l'IUED, 5, Genève, Paris, PUF, 1977, pp.147-202: "La thermodynamique, la révolution industrielle et la révolution camotienne", Entropie, no. hors série "Thermodynamique et sciences de l'homme", 1982, pp.21-32. Expression adoptée par N. Georgescu-Roegen, "Matter matters, too", in Kenneth D. Wilson, ed., Prospects for Growth: Changing Expectations for the Future, New York, Praeger, 1977, pp.293-313; "De la science économique à la bioéconomie", Revue d'économie politique, 1978, 88, pp.337-382; "La dégradation entropique et la destinée prométhéenne de la technologie humaine", Economie appliquée, 1982, 35(1:2), pp.1-26, et in Entropie, no. hors série "Thermodynamique et sciences de l'homme", 1982, pp.76-86.
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32 Préface de Paul Samuelson, in N. Georggescu-Roegen, La science économique: ses problèmes et ses difficultés, trad. de l'anglais (1966), Paris, Dunod, 1970, p.viii.
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33 Sur la participation de Georgescu-Roegen à la conférence de Stockholm (du côté non-officiel des ONG), voir Tom Artin, Earth Talk: Independent Voices on the Environment, New York, Grossman Publishers, 1973
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34 Voir les communications à la conférence de Rome de Jacob J. Krabbe (Pays-Bas), Quantifying Sustainibility: the Entropy Approach, et Martin O'Connor (Nouvelle Zélande), On Steady-State: A Valediction
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35 Herman E. Daly, "Il n'y a pas de croissance durable", Transversales Science Culture, 1992, 13, pp.10-11. Voir la contribution de H Daly et le commentaire de N Georgescu-Roegen in V. Kerry Smith, ed , Scarcity and Growth Reconsidered, Resources for the Future, Baltimore, John Hopkins University Press, 1979, pp 67-105
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36 Sur Schumpeter et l'économie évolutionnaire (evolutionary economics), voir la communication à la conférence de Rome de F. Hinterberger (Allemagne), A Note on Sociobiology: Schumpeter, Georgescu-Roegen and Beyond.
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37 Nicholas Georgescu-Roegen, Demain la décroissance: Entropie-écologie-économie, préface et traduction d'Ivo Rens et Jacques Grinevald, Lausanne, Pierre-Marcel Favre, 1979, (2e éd. revue et augmentée, Paris, Sang de la terre, à paraître).
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38 Voir P.M. Vitousek et ai., "Human appropriation of the products of photosynthesis", BioScience, 1986, 36(6), pp.368-373. Lester Brown et al. (Worldwatch Institute), L'état de la planète, trad. de l'américain, Paris, Economica, "L'illusion du progrès".
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39 Herman Daly and John B. Cobb, For The Common Good: Redirecting the Economy towards Community, the Environment and a Sustainable Future, Boston, Beacon, 1989, 482p. Edition anglaise préfacée par Paul Ekins, Londres, Green Print, 1990.
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40 Voir aussi H. Daly, "Toward a new economic model", Bulletin of the Atomic Scientists, 1986, 42(4), pp.42-44. Robert J.A. Goodland et Herman Daly, "Les instruments requis", chap.13 in C. Mungall et D.J. McLaren, eds., La Terre en péril: métamorphose d'une planète, publié pour la Société royale du Canada, Ottawa, Les Presses de l'Université d'Ottawa, 1990, pp.295-309. R. Goodland et al., Environmentally Sustainable Economic Development: Building on Brundtland, Washington, World Bank, Enviroument Working Paper 46, 1991, également publié à Paris, Unesco, 1991, 100p. J. Grinevald, "Préface à l'édition française" de Académie nationale des sciences (USA), Une planète, un avenir, Paris, Editions Sang de la terre, 1992. Une bonne définition de la bioéconomie me semble donnée par Gunnar Adler-Karlsson: "The special task of bioeconomics would be to try to find me knowledge with the help of which we could build a global economic system that would function in harmony with the long-run requirements for ecological balance of our biosphere." ("Bioeconomics: a coming subject", in Rolf Steppacher et al., eds., Economics in Institutional Perspective. Memorial Essays in Honor of K. William Kapp, Lexington, Lexington Books, 1977, pp.85-92).
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41 J. Martinez-Alier, Ecological Economics, Oxford, Blackwell, 1987, 286p.
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42 Voir notamment le bestseller de Jeremy Rifkin, Entropy: A New World View (Bantam New Age Books, 1980, 2e éd. augmentée, 1989), qui contient une postface de N. Georgescu-Roegen (ce qui ne signifie pas que ce dernier approuve la version finale du livre!). L'article "Georgescu-Roegen, Nicolas", dans l'ouvrage encyclopédique - hélas très lacunaire et plein d'erreurs - de Frank De Roose et Philippe Van Parijs, La pensée écologiste (Bruxelles, De Boeck Université, 1991, pp.80-81), est un exemple parmi bien d'autres de l'incompréhension que rencontre la pensée de Georgescu-Roegen. Voir aussi Vaclav Smil, General Energetics: Energy in the Biosphere and Civilization, (New York, Wiley-Interscience, 1991, p.266), qui semble réduire, comme bien d'autres, la contribution de Georgescu-Roegen à une perspective énergético-entropique.
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43 Voir notamment le livre de l'économiste indien Narindar Singh, Economics and the Crisis of Ecology, Delhi, Oxford University Press, 1976, 2e éd. 1978; 3e éd. révisée et augmentée, London, Bellew, 1989.
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44 N. Georgescu-Roegen, "Economics and Entropy", The Ecologist, juillet 1972, 2(7), pp.13-18; "Energy and Economic Myths", The Ecologist, juin et août-septembre 1975, 5 (5), pp.164-174, et 5(7), pp.242-255.
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45 La communauté scientifique n'a pas encore discuté sérieusement la critique que Georgescu-Roegen adresse à la philosophie scientifique dominante, telle qu'elle s'exprime notamment dans les diverses expressions de la mécanique statistique (y compris la mécanique quantique), la théorie mathématique de l'information, l'équivalence cybernétique entre information et néguentropie, le réductionnisme de la biologie moléculaire et l'arithmomorphisme de l'informatique et de l'intelligence artificielle. Même le Prix Nobel Ilya Prigogine, qui devrait pourtant reconnaître une certaine convergences entre son travail et celui de Georgescu-Roegen sur l'aspect évolutif de la loi de l'entropie, laisse entendre (quoique sans jamais l'écrire) que Georgescu-Roegen est dans l'erreur à propos de l'entropie! L'excellent livre de P. Coveney et R. Highfield, The Arrow of Time, op.cit. ignore Georgescu-Roegen; il en va de même de la très utile anthologie: H.S. Leff et A.F. Rex, eds., Maxwell's Demon: Entropy, Information, Computing, Bristol, Adam Hilger, 1990. Voir cependant l'excellente contribution du physicien Gabriel A. Lozada (University of California, Berkeley), Georgescu-Roegen's Critique of Statistical Mechanics Revisited, First International Conference of the E.A.B.S., Rome, 28-30 Nov. 1991, et son article "A defense of Nicholas Georgescu-Roegen's paradigm", Ecological Economics, 1991, 3, pp.157-160.
46 Certes, l'oeuvre de Georgescu-Roegen jouit d'une certaine estime chez les économistes, comme en témoigne notamment la signature de plusieurs Prix Nobel dans Anthony M. Tang et al. eds., Evolution, Welfare and Time in Economics: Essays in Honor of Nicholas Georgescu-Roegen (Lexington, Lexington Books, 1976), mais il me semble significatif que dans les plus récentes éditions du célèbre manuel universitaire Economics du professeur Paul A. Samuelson, il n'est plus fait aucune mention ni de Georgescu-Roegen ni de l'entropie!
47 Hazel Henderson, qui a emprunté d'excellents arguments à Georgescu-Roegen, parle de "la fin de la science économique". Voir son livre Creating Alternatives Futures: The End of Economics, préface de E.F. Schumacher, New York, Perigee Books, 1980. Voir aussi André Gorz/Michel Bosquet, Ecologie et politique, Paris, Seuil, "Points", 1978, p.19 et 240. Sandy Irvine et Alec Ponton, A Green Manifesto: Policies for a Green Future, foreword by Jonathon Porritt, Londres, Optima Book, 1988. Sara Parkin, Green Futures, Londres, Fount, "Agenda for the 21st Century", 1991, p.68.
48 N. Georgescu-Roegen, The Entropy Law and the Economic Process, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1971, 457p. Thèse surtout connue par l'excellent résumé qu'en fit Georgescu-Roegen lui-meme dans une conférence du 3 décembre 1970: The Entropy Law and the Economic Problem, University of Alabama, Department of Economics, Distinguished Lecture Series no.1, 1971, 16p., texte qui a été souvent republié (notamment par Daly) et traduit (en français dans Demain la décroissance, op.cit.).
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49 Georgescu-Roegen a proposé explicitement, depuis 1976, une quatrième loi de la thermodynamique qui, théoriquement, anéantit tout mythe de recyclage complet de la "matière en bloc" (utilisable à l'échelle économique de l'humanité). Cette innovation  conceptuelle constitue l'argument épistémologique central de la critique qu'il adresse au réductionnisme de l'analyse éco-énergétique en vogue depuis le célèbre ouvrage d'Howard T. Odum, Environment, Power and Society (New York, Wiley-Interscience, 1971) et son article "Energy, ecology, and economics", Ambio, 1973, 6, pp.220-227. Voir surtout: Georgescu-Roegen, Demain la décroissance, op.cit., chap.3.; "Myths about energy and matter", Growth and Change, 1979, 10, pp.16-23; "Energy and matter in mankind's technological circuit", in Peter N. Nemetz, ed., Energy Policy: The Global Challenge, Toronto, Butterworth, 1979, pp.107-127; "Energy analysis and economic valuation", Southern Economic Journal, 1979, 45(4), pp.1023-1058 (article qui critique notamment le "dogme énergétique" de l'écologiste américain Robert Costanza, devenu depuis le président de l'international Society for Ecological Economics!); "Energy, matter, and economic valuation: where do we stand?", in H. Daly et Alvaro Umana, eds., Energy, Economics, and the Environment, Boulder, Co., Westview Press, 1981, pp.193-200; "Energy analysis and technology assessment", in W.C. Schieve et P.M. Allen, eds., Self-Organization and Dissipative Structures (Proceedings of a 1978 Workshop in Honor of Ilya Prigogine), Austin, University of Texas Press, 1982, pp.313-322. et "The entropy law and the economic process in retrospect", Eastern Economic Journal, 1986, 12(1), pp.3-33.
50 Georgescu-Roegen a notamment bien mis en évidence pourquoi une économie agraire n'est pas une économie industrielle! Voir surtout "Economic Theory and Agrarian Economics", Oxford Economic Papers, 1960, 12, pp.1-40; souvent republié et traduit. Trad. fr.: "Théorie économique et économie politique agraire", in La science économique: ses problèmes et ses difficultés, op.cit.; Energy and Economic Myths: Institutional and Analytical Economic Essays, op.cit. Voir aussi Mark A. Lutz and Kenneffi Lux, The Challenge of Humanistic Economics, Menlo Park, Cal., Benjamin/Cummings, 1979.
51 N. Georgescu- Roegen, Bioeconomics, à paraître (en principe) chez Princeton University Press. En 1982, Georgescu- Roegen me montra une lettre de l'éditeur qui disait attendre plus que jamais ce livre afin de donner la réplique à l'optimisme excessif de Julian Simon, The Ultimate Resource (Princeton University Press, 1981), bestseller sévèrement critiqué par les scientifiques de sensibilité écologique.
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52 Joseph A. Schumpeter, Theorie der wirtschaftlichen Entwicklung, Leipzig, 1912, 2e éd. 1926. Trad. anglaise:
Theory of economic development, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1934. Trad. fr.: Théorie de l'évolution économique, introduction de François Perroux, Paris, Dalloz, 1935. Indépendamment de Schumpeter, mais à côté de lui à Harvard, le professeur Abbott Payson Usher (1883-1965) développait une vision similaire de l'évolution des techniques, soulignant ses dimensions biologiques et écologiques (voir son livre A History of Mechanical Inventions, Cambridge, Mass., Harvard University Press, (1929) revised edition 1954, rééd. New York, Dover, 1988).
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53 N. Georgescu-Roegen, "L'economia politica come estensione della biologia", Note economiche (Monte dei Paschi di Siena), 1974, 2, pp.5-20; "Bioeconomics: a new look at the nature of economic activity , in Louis Junker, ed., The Political Economy of Food and Energy, Ann Arbor, University of Michigan, Michigan Business Papers no. 62, 1977, pp.105-134.
54 Selon Georgescu-Roegen, ce terme lui fut suggéré pour définir sa nouvelle approche du processus économique par une lettre du philosophe tchèque Jiri Zeman, le coéditeur avec I. Kubat, de l'ouvrage collectif Entropy and Information in Science and Philosophy (Prague, Academia, Amsterdam, Elsevier, 1975), auquel Georgescu-Roegen était invité à collaborer (voir "Bio-economic aspects of entropy", pp. 125-142). C'est seulement à partir du milieu des années 70 que Georgescu-Roegen utilise le terme de bioéconomie, mais sa conception bioéconomique du développement est formée et exprimée depuis le début des années 60.
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55 Alfred Lotka, Elements of Physical Biology, Baltimore, Williams & Wilkins Company, 1925, p.354 (ouvrage d'abord incompris mais considéré comme un classique de l'écologie théorique au moment de sa réédition en 1956); Théorie analytique des associations biologiques. Première partie: Principes, Paris, Hermann, 1934, p.38. N. Georgescu-Roegen, The Entropy Law and the Economic Process, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1971, p.1 1. Voir aussi J. Grinevald, Vernadsly and Lotka as source for Georgescu-Roegen's bioeconomics, 2nd Vienna Centre Conference on Economics and Ecology, Barcelone, 26-29 septembre 1987. Version espagnole: "Vernadsky y Lotka como fuentes de la bioeconomia de Georgescu-Roegen", Economia Politica, [Barcelona] 1990, 1, pp.99-112.
56 H. Daly, "On economics as a life science", Journal of Political Economy, 1968, 76(3), pp.392-405. Voir aussi Cutler J. Cleveland, "Biophysical economics: historical perspective and current research trends", Ecological Modelling, 1987, 38, pp.47-73. Paul P. Christensen, "Historical roots for ecological economics - biophysical versus allocative approaches", Ecological Economics, 1989, 1, pp.17-36.
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57 J. Grinevald, Vernadsly and Lotka as source for GeorgescuRoegen's bioeconomics, op.cit.; "L'effet de serre de la Biosphère: de la révolution thermo-industrielle à l'écologie globale", Stratégies énergétiques, Biosphère et Société, 1990, 1, pp.9-34; The Biosphere and the Noosphere revisited: biogeochemistrv and bioeconomics, First Conference of the European Association for Bioeconomic Studies, Rome, 28-30 novembre1991.
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58 Il faut situer Qu'est-ce que la vie? (trad. française en 1951, rééd. Christian Bourgois, 1988) du physicien et philosophe autrichien Erwin Schrôdinger dans l'histoire souvent mal connue de la confrontation épistémologique et philosophique sur l'entropie et le vivant, symbolisée par l'opposition entre deux types d'évolution: Carnot et Darwin. Voir J. Grinevald, "Le progrès et l'entropie", in Le Progrès en Questions, (Actes du IXe colloque de l'Association internationale des sociologues de langue française, Menton, 12-17 mai 1975), Paris, Anthropos, t.I, 1978, pp.89-129. Georgescu-Roegen est l'un des rares connaisseurs, dans le milieu des sciences sociales, de cette importante controverse, qui a récemment rebondi (tout en ignorant la contribution de Georgescu- Roegen!), notamment avec les contributions de Jeffrey S. Wicken (voir surtout son livre Evolution, Thermodynamics, and Information, op.cit.).
59 Georgescu-Roegen reprend l'idée et le terme exosomatique à Alfred Lotka, qui introduisit le mot assez tardivement ("The law of evolution as a maximal principle", Human Biology, 1945, 17(3), pp.167-194) alors que l'idée est bien présente dès son livre de 1925. A vrai dire, cette interprétation biologique de l'évolution technique (et donc culturelle) de l'espèce humaine s'enracine dans la révolution darwimenne, comme on peut en retracer l'historique avec des textes de Samuel Butier, Karl Marx, Ernst Kapp, Bergson, Lotka, Vernadsky, Teuhard de Chardin, Edouard Le Roy, Raymond Ruyer, André Leroi-Gourhan, François Meyer, Leslie White, et d'autres... Voir plus particulièrement N. GeorgescuRoegen, "Man and production", in Mauro Baranzini et Roberto Scazzieri, eds., Foundations of Economics, Oxford, Blackwell, 1986, pp.247-280; J. Grinevald, "L'aspect thanatocratique du génie de l'Occident et son rôle dans l'histoire humaine de la Biosphère", Revue européenne des sciences sociales, 1991, 91, pp.45-64.
60 Genre de vie: notion fondamentale de la géographie humaine introduite au début du siècle par Paul Vidal de la Blache, bien mise en lumière par Lucien Febvre dans La Terre et l'évolution humaine: introduction géographique à l'histoire (Paris, La Renaissance du livre, 1922), et dont Maximilien Sorre (1880-1962), un pionnier, en France, de "l'écologie de l'homme", donne la définition suivante: "Ensemble de pratiques consolidées par la tradition au moyen desquelles un groupe humain subsiste dans un milieu physique déterminé." (Rencontres de la géographie et de la sociologie, Paris, Librairie Marcel Rivière et Cie, 1957, p.207.)
61 Outre ses trois grands livres, voir plus particulièrement N. Georgescu-Roegen, "Inequality, limits and growth from a bioeconomic viewpoint", Review of Social Economy, 1977, 35, pp.361-375.
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62 James Lovelock, Les Ages de Gaïa, trad. de l'anglais, Paris, Robert Laffont, 1989; Gaia: the Practical Science of
Planetary Medecine, London, Gaia Books, 1991. Voir aussi J. Grinevald, "Le système de la Terre de James Hutton à
James Lovelock", La Quinzaine Littéraire, août 1991, 583, no spécial "La Nature", pp.25-26; et "Europe and the Biosphere's global ecology", in Sara Perkin, ed., Green Light on Europe, Londres, Heretic Books, 1991, pp.21-37.
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63 Voir l'excellent livre, toujours pertinent, de Bernard Brunhes (1867-1910), La Dégradation de l'énergie, Paris, Flammarion, 1908, rééd. "Champs", 1991. Une source peu connue de la pensée de Georgescu-Roegen. Rappelons ici que la loi de la croissance de l'entropie, pour Georgescu-Roegen, ne signifie pas seulement la dégradation de l'énergie libre mais aussi la dissipation irrévocable de la matière utilisable.
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64 Trop nombreux sont les commentateurs de Georgescu-Roegen qui ne voient pas la signification économique et écologique de la "révolution carnotienne", en grande partie parce que la figure historique de Sadi Camot et les origines industrielles de la révolution thermodynamique ne font pas encore partie de la culture générale.
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65 Sur la "physics envy" des économistes, voir l'étude historique très fouillée de Philip Mirowski, More Heat than Light:
Economics as Social Physics, Physics as Nature's Economy, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, 450p.
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66 Une bonne partie de la littérature récente sur les rapports entre économie et thermodynamique se situe encore du côté de la tradition physicaliste (et non du nouveau paradigme bioéconomique). Voir Robert U. Ayres et Indira Nair, "Thermodynamics and economics", Physics Today, 1984, 37(11), pp.62-71. Malte Faber et John L.R. Proops, "Interdisciplinary research between economists and physical scientists: retrospect and prospect", Kyklos, 1985, 38, pp.599-616. W. van Gool et J. Bruggink, eds., Energy and Time in the Economic and Physical Sciences, Amsterdam, North-Holland, 1985.
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67 Bertrand de Jouvenel, "De l'Economie politique à l'écologie politique" (Bulletin S.E.D.E.I.S., 1er mars 1957), republié dans son livre La civilisation de puissance, Paris, Fayard, 1976, chap.6. Voir aussi son livre Arcadie: essais sur le mieux vivre, Paris, Futuribles, 1968; et J. Grinevald, "The Greening of Europe", Bulletin ofPeace Proposals, 1991, 22(1), pp.41-47; "Les pionniers: déjà des classiques!", in Calliote et Michel Beau et Mohamed Larbi Bouguerra, eds., Les hommes et la planète: l'enjeu de l'environnement, Paris, La Découverte, à paraître.
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68 N. Georgescu-Roegen possède une immense culture scientifique dans ce domaine. Significativement, il a adopté le point de vue longtemps hérétique du fameux biologiste Richard Goldschmidt (1878-1958) qui distinguait la microévolution (avec les petites modifications continues du paradigme darwinien) et la macroévolution, cette dernière impliquant l'apparition de nouveautés discontinues (paradigme saltationniste), macro-mutations qui ressemblent à des "monstres prometteurs" ("hopeful monsters"). Georgescu-Roegen (Energy and Economic Myths, op.cit. p.245) crédite J. Schumpeter (Théorie de l'évolution économique, trad. fr., Paris, Dalloz, 1935) d'une vision qui anticipe la thèse de 1940 de R. Goldschmidt, récemment réévaluée (voir Stephen Jay Gould, "Return of hopeful monsters", Natural History, juin-juillet 1977, 136, pp.22-30; et son introduction "The Uses of heresy" à Richard Goldschmidt, The Material Basis of Evolution, New Haven, Yale University Press, 1940, rééd. 1982).
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69 Contrairement à la plupart de ses confrères économistes, Georgescu-Roegen (essentiellement dans son texte L'énergie et les mythes économiques, trad. fr. in Demain la décroissance, chap.II) a soutenu la pertinence du rapport Meadows sur "les limites à la croissance" (1972), le critiquant seulement sur certains points mineurs et refusant surtout l'idée (partagée alors par Daly) que le salut écologique résidait dans l'état stationnaire. Voir aussi Armand Petitjean, ed., Quelles limites? Le Club de Rome répond..., Paris, Seuil, 1974.
70 Voir la célèbre thèse, très discutée, de Lynn White, jr., "The historical roots of our ecologic crisis", Science, 1967, 155, pp.1203-1207; Lynn White, jr., Les racines historiques de notre crise écologique, traduction et dossier établis par Jacques Grinevald, Paris, Sang de la terre, à paraître.
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1993: texte precedent