Parmi les divers indicateurs qui peuvent être définis,
on en retiendra essentiellement trois:
L'énergie consommée dans les transports par habitant, exprimée en tonne équivalent pétrole (TEP dans la suite) par habitant. On obtient: (1)I1= ET/POP C'est un indicateur simple, utilisable par
exemple dans les négociations internationales sur l'effet de serre.
Il présente quelques imperfections méthodologiques dans la
mesure où le trafic international (maritime et aérien) est
repéré par les soutes vendues dans le pays, qui n'ont pas
nécessairement de rapports avec l'activité des acteurs économiques
nationaux. De plus pour la route les ventes sur le territoire national
peuvent concerner aussi des non-résidents (cas du Luxembourg, en
raison du différentiel de prix avec les pays voisins, cas de la
Suisse, pays de transit); symétriquement, les consommations des
résidents de pays fortement émetteurs de déplacements
touristiques (comme l'Allemagne) sont sous-estimées.
(2)I2 = ET/PIB (PIB généralement exprimé en milliards
de $)
où PK et TK désignent les passagers - kilomètres et tonnes - kilomètres réalisés au cours de l'année. Rappelons qu'un voyageur faisant 1 déplacement de 500 kilomètres en avion ou dix voyageurs faisant 50 kilomètres en voiture font 500 passagers-kilomètres, de même que 200 camions transportant 15 tonnes sur 100 kilomètres ou un train transportant 1500 tonnes sur 200 kilomètres réalisent 300.000 tonnes-kilomètres. On notera que les indicateurs I2 et I3 ont des sens profondément différents: I2 rapporte les consommations à la richesse du pays, indépendamment du poids des transports dans son économie; tandis que les indicateurs de type I3 rapportent la consommation à l'activité des transports, sans considérer par ailleurs la richesse du pays. 2. L'APPROCHE DE L'INGENIEUR
(suite)
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"conventionnelles" (mesurées sur banc à rouleaux dans des conditions standards, pour des véhicules sortant d'usine) ou "réelles" (sondage sur le parc en circulation à un certain moment, fait de véhicules récents et d'autres qui le sont moins, roulant souvent dans des conditions assez différentes de celles qui sont mesurées sur bancs à rouleaux). On obtient alors essentiellement pour les voitures et les poids lourds les indicateurs suivants: (4) I4C= EC / VEK
où EC désigne la consommation mesurée sur un véhicule sortant d'usine, ER celle d'un véhicule "moyen" du parc, et VEK les "véhicules - kilomètres" ayant servi à la mesure. Il convient d'attirer l'attention sur le fait que les "véhicules - kilomètres" ne sauraient refléter qu'imparfaitement l'activité dans la mesure où ils ne tiennent pas compte de l'occupation (nombre de passagers ou tonnage transporté). 3. L'APPROCHE DU PLANIFICATEUR DES TRANSPORTS
4. LES PROFESSIONNELS DE L'AMENAGEMENT
5. CONCLUSION
p.64
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DEMANDE DE TRANSPORT ET DE LA DEMANDE D'ENERGIE ASSOCIEE On présente ci-dessous successivement des ordres de grandeur globaux relatifs à la demande de transport et aux consommations dénergie associées, puis les mécanismes d'évolution de ces demandes. 1. ORDRES DE GRANDEUR GLOBAUX
![]() Marché total: 722 milliqrd de passagers-km et 23,5 millions de TEP Tableau 4: Efficcacité énergétique des transports de voyageurs (France, 1989). Source Morcheoine [ 1991] ![]() Marché total: 202 milliards de tonnes-km et 13,7 millions sw TEP Tableau 5: Efficacité énergétique des transports de marchandises (France, 1989). Souce Morcheoine [ 1991] b) Au sein d'un même mode de transport, les véhicules utilisés peuvent avoir une efficacité énergétique extrêmement variable selon le type de véhicule, l'état de son entretien, ou encore le genre de conduite pratiqué: ainsi dans le domaine aérien, les avions de la génération Airbus remplacent des avions de conception ancienne qui pouvaient consommer jusqu'à deux fois plus de carburant au siège - kilomètre; dans le domaine de l'automobile, les consommations aux cent kilomètres varient couramment dans un rapport de 1 à 2 pour les véhicules actuellement vendus et ayant des parts de marché significatives, et dans un rapport de 1 à 1,5 environ entre les versions peu puissantes et les versions très puissantes d'un même modèle, etc... c) Enfin, c'est une évidence mais il faut le rappeler, l'efficacité au passager - kilomètre transporté dépend étroitement de l'occupation du véhicule: il y a, dans des zones peu denses où les demandes sont très diffuses, des services de transport public à l'efficacité énergétique probablement très faible. (suite)
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De même, l'inefficacité de l'automobile en ville est bien sûr due en partie aux conditions de trafic, mais surtout à la grande faiblesse des taux d'occupation (inférieur, dans la plupart des pays européens, à 1,2 personnes par voiture pour les déplacements vers le travail par exemple) 2. LES EVOLUTIONS PRINCIPALES AU COURS DES DEUX DERNIERES DECENNIES
![]() Tableau 6: Taux annuels de croissance de la demande de transport (CE+AELE) de 1970 à 1990. Source Short [1992] Ce constat, à priori décevant,
doit être tempéré par au moins trois remarques plus
optimistes:
![]() c) Enfin il y a un secteur, très peu consommateur, qui connait une expansion considérable dans un environnement de prix décroissants, c'est celui des télécommunications, qu'il s'agisse de la télécommunication "passive" (télévision par exemple) ou des télécommunications plus "actives" (téléphone et produits dérivés). En ce qui concerne les télécommunications passives, on sait pertinemment que l'assistance physique à certains spectacles (sports, cinéma...) en souffre: il y a eu dans ce domaine d'indiscutables phénomènes de substitution. La question est beaucoup plus ouverte pour les télécommunications actives dont les rythmes annuels de croissance sont pourtant plusieurs fois supérieurs à ceux du transport. Il est établi que ce secteur contribue déjà, dans certaines circonstances très particulières, à soulager l'évolution des demandes de transport: les firmes les plus dynamiques développent la téléformation continue, et on a vu, pendant la crise du Golfe, les demandes de téléconférences exploser tandis que le trafic aérien fléchissait. p.65
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Il est clair qu'il constitue, en particulier pour les marchandises,
une aide à la rationalisation des flux. Pour l'essentiel toutefois
il reste à identifier des "niches de développement" où
la concurrence avec les transports serait plus explicite, les résultats
plus tangibles. L'enjeu est d'importance pour nos économies dans
la mesure où ce secteur n'est pas soumis, à long terme, aux
mêmes contraintes de saturation (congestion des réseaux),
de rareté (énergie) ou de coûts croissants en raison
du poids de la main d'oeuvre, comme les transports publics urbains de voyageurs
(tableau 8).
![]() Tableau 8: Taux de croissance moyens annuels des consommations de transports et de télécommunications par les ménages en France 3. LES MECANISMES SOUS-JACENTS AUX EVOLUTIONS
3.1. Les transports de voyageurs
Evolution démographique et croissance économique: La croissance économique est loin d'être négligeable si bien que la consommation des ménages a augmenté de près de 80% depuis 1970 (en francs constants). Le développement du marché de l'occasion met pratiquement à la portée de toutes les bourses le produit automobile; le prix du carburant est orienté à la baisse, sur le long terme; il en va de même du prix de l'assurance, en liaison avec la baisse remarquable - bien qu'insuffisante - de l'insécurité routière. Les orientations politiques françaises récentes - depuis 1985 - ont amplifié fortement les tendances de long terme: la TVA sur l'automobile a chuté de 33% (taux majoré) à environ 22% et (suite)
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rejoint aujourd'hui le taux normal (18.6%); le contre-choc pétrolier de 1986 a non seulement été entièrement répercuté sur les consommateurs, mais ses effets ont été amplifiés par des détaxes particulières (essence sans plomb) et surtout par l'évolution du parc des véhicules diesel (un tiers des ventes) bénéficiant d'un carburant très peu taxé en France. Les dynamiques spatiales: a) La périurbanisation c'est-à-dire le choix, par des urbains, de résider dans des zones peu denses, souvent rurales. L'augmentation des distances à parcourir et l'orientation de la mobilité vers l'automobile qui en résultent amènent à multiplier par un facteur de l'ordre de 3 les consommations d'énergie affectées aux déplacements quotidiens (CETUR, [1984]). Dans un travail remarquable sur 20 agglomérations mondiales, Newman et Kenworthy [1989] confirment la croissance très élevée de la consommation de carburant par habitant avec la dispersion de l'habitat. b) Les valeurs immobilières centrales, le rêve de la maison individuelle, sont des causes indiscutables de la périurbanisation. On y ajoutera volontiers une approche très intégrée de l'environnement (ici, c'est calme ...) d'autant plus que la confrontation des opinions des Européens sur la pollution d'origine automobile dans les centres-villes (78% la trouvent préoccupante) et à leur lieu de résidence (44% la trouvent préoccupante) suggère une satisfaction élevée à l'égard des choix opérés. c) Les deux autres causes d'expansion sont bien connues: les acteurs économiques (hypermarchés) et "culturels" (Beaubourg ou Eurodisney) fonctionnent sur des aires spatiales de plus en plus larges et assèchent les capacités de développement locales en profitant de la baisse des coûts temporels (politiques d'infrastructure) et monétaires de la mobilité. Enfin le marché de l'emploi est de plus en plus qualifié et segmenté en métiers spécifiques, si bien que la confrontation entre l'offre et la demande se fait sur des aires toujours plus vastes. L'instabilité du marché implique en outre des remises en causes plus fréquentes, et le chômeur retrouve du travail à une distance supérieure de moitié environ à la distance moyenne. Les dynamiques d'usage: De même la compétitivité des transports collectifs a pu se renforcer dans certains centres urbains avec la mise en service de métro, val, tramway. p.66
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Cependant l'exode massif vers les zones pénurbaines,
où un niveau équivalent de subvention ne permet d'assurer
qu'un service de qualité beaucoup plus pauvre, profite essentiellement
à l'automobile.
Elles proviennent également des dynamiques internes du système de transport résultant du partage de la voirie par des catégories très différentes d'usagers. Les nuisances automobiles et l'insécurité réduisent l'agrément de la marche et des deux-roues. Quant aux transports collectifs, leur qualité de service dépend étroitement du niveau de leur fréquentation (plus il y a de clients, moins on attend le bus). Il va sans dire que l'érosion de leur part de marché ne favorise pas cette qualité. Le produit automobile enfin connaît deux évolutions fondamentales: à motorisation donnée, le progrès technique, stimulé par la hausse des cours internationaux du pétrole, nous offre des véhicules plus légers, plus aérodynamiques, de meilleur rendement, si bien qu'ils consomment moins (Dargay [1991] montre que notre niveau de consommation pétrolière est inférieur de 15% à ce qu'il devrait être au regard des prix actuels, en raison des chocs passés). En revanche, la puissance des moteurs et les vitesses de pointe sont sur un trend fortement croissant, ce qui ne pose pas seulement des problèmes d'insécurité, mais aussi des problèmes de consommation de carburant dans les espaces urbains. Delsey et Dobias [1991] montrent qu'un même modèle de voiture dans les mêmes conditions de circulation urbaine peut consommer jusqu'à 65% de plus lorsque sa vitesse de pointe (bien évidemment inutilisée dans ces espaces) est très élevée: tout se passe comme si l'on utilisait Concorde pour un vol Paris-Lille! Conclusion Avant de déplacer les hommes, les transports déplacent d'abord des lieux de résidence, des lieux d'activité et d'emploi. Les infrastructures nouvelles - en particulier les routes à grandes circulation et les autoroutes pénurbaines - permettent de parcourir des distances plus longues dans le même temps. L'évolution des revenus et des prix des consommations liées aux transports permet de se déplacer plus sans affecter une part croissante du budget aux déplacements. La pression automobile croissante sur la voirie implique des pertes de marché et d'attractivité pour les transports publics, la marche et les deux-roues lorsque des mesures de protection spécifiques de ces modes ne sont pas prises. (L'exemple de la Suisse pour les transports publics, des Pays-Bas et du Danemark pour les deux-roues prouve, a contrario, que les mesures de protection peuvent être efficaces.) Ce modèle d'expansion des transports qui a fait l'objet d'un large consensus jusque dans les années récentes - semble paradoxalement remis en cause aujourd'hui du fait de ses propres excès. Au développement des embouteillages dans des zones urbanisées à sensibilité écologique grandissante, il est de plus en plus difficile de répondre par la réalisation de nouvelles infrastructures. Cette situation amène de nombreux experts à "tirer la sonnette d'alarme" et à proposer des solutions radicales comme le péage urbain généralisé ou encore la ville sans voiture: ces modèles, qui ne sont pas portés par une logique énergétique, pourraient néanmoins avoir des conséquences intéressantes. (suite)
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3.2. Les transports de marchandises L'évolution vers des sociétés de plus en plus "tertiaires" a production "immatérielle" peut faire espérer une baisse des tonnages à transporter, et à tout le moins une croissance plus faible que celle des richesses nationales, et c'est bien ce qu'on observe sur une longue période. En France le potentiel transportable a fortement baissé, malgré l'augmentation de la richesse nationale. Cependant le caractère de moins en moins autocentré du développement régional et l'internationalisation croissante des économies, stimulée par les accords de libre échange du type CEE, AELE, GAIT, etc., conduisent à une extension spatiale du marché (les tonnes transportées baissent, mais les longueurs de parcours augmentent fortement, si bien que les tonnes-kilomètres transportées continuent à augmenter). Là encore, dans un contexte économique donné, il est plus rationnel de transporter un produit d'une zone de production lointaine, assurant une production de masse, que de multiplier les unités de production. C'est d'autant plus vrai que les prix du transport de marchandises diminuent, en valeur relative, par rapport aux prix à la production des différentes branches marchandes; ce prix relatif a chuté de 20% en moyenne en France, au cours des vingt dernières années. La croissance de la part du transport routier de marchandises a des bases structurelles reflétant l'évolution de la production des économies: la part des pondéreux dans le potentiel transportable est en décroissance, tandis que celles des produits à haute valeur ajoutée, impliquant rapidité et fiabilité du transport est croissante. Elle a aussi des racine beaucoup moins naturelles, liées aux cultures d'entreprises, au contexte institutionnel et au politiques d'aménagement et de transport. On observe (tableau 9) qu'à compétitivité constante, tous les modes bénéficieraient de la croissance économique. ![]() Tableau 9: La compétition rail, route, voie navigable en france (période 1970-1988) pour les marchandises a) La multitude d'entreprises routières opérant dans un contexte ultra-concurrentiel est d'un dynamisme sans commune mesure avec celui des grands monopoles ferroviaires nationaux qui tardent à s'adapter à l'évolution du marché. b) La route est beaucoup plus apte que le fer (et bien sûr la voie d'eau) à satisfaire des demandes très dispersées dans l'espace. Combien de zones industrielles, pourtant planifiées par des autorités publiques, ont-elles bénéficié de raccordement ferroviaires? On notera à l'inverse le développement remarquable et de plus en plus dense du réseau autoroutier européen. c) On notera enfin que tous les états nationaux subventionnent implicitement le transport routier de marchandises en ne lui faisant pas supporter, par le biais de la fiscalité, les charges d'infrastructure qu'il nécessite (gros entretien des chaussées, etc...). Dans un contexte de compétition européenne très ouverte, cette attitude est considérée comme rationnelle par les Etats qui ne souhaitent pas handicaper leurs transporteurs nationaux par des mesures d'équité qui seraient par trop unilatérales. p.67
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L'absence de prise en charge globale du problème
au niveau de la CEE est beaucoup plus discutable, car il est clair que
ces conditions favorables faussent la concurrence avec les systèmes
ferroviaires. A titre d'exemple, les transferts en faveur du transport
routier de marchandises étaient estimés en France en 1987
à 17 milliards de francs, soit près de 20% du chiffre d'affaire
de la branche. Soulignons que la France, n'est pas unique dans ce domaine.
d) Dans une optique énergétique, on n'oubliera pas enfin que les transports de distribution terminale représentent une part très importante des consommations énergétiques du transport de marchandises: en France, ce sont plus de 4 millions de petits utilitaires qui assurent ces distributions terminales, contre un peu plus de 600.000 poids lourds. Ils sont à l'origine de 45% de la consommation énergétique des transports de marchandises. QUELLES POLITIQUES DE MAITRISE DE L'ENERGIE DANS LES TRANSPORTS? Deux éléments essentiels ressortent
des paragraphes précédents:
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d'investissement réalisés et les types de gestion des infrastructures conditionnent les demandes futures, et notamment leur composante énergétique. On pourra par exemple développer préférentiellement l'investissement ferré (TGV pour les personnes, transport combiné pour les marchandises), ou encore limiter la vitesse sur les autoroutes, comme l'ont fait de façon drastique les Etats-Unis au moment du premier choc pétrolier. Ces orientations peuvent donner lieu à des débats, même si elles ne remettent pas en cause de façon fondamentale le schéma d'expansion des transports que nous connaissons. Le troisième niveau est d'une nature différente. Il pose explicitement le problème des consommations de carburant comme un problème central, et admet que nous devons rééquilibrer notre vision des coûts et des bénéfices que nous tirons du développement des transports. Au-delà de tous les arguments que peuvent échanger les économistes sur les "externalités" positives ou négatives du transport (c'est-à-dire les coûts et les bénéfices indirects), il est évident qu'il nécessite un véritable débat démocratique et ne peut être validé qu'avec une légitimité politique forte. Nous présentons ces trois niveaux ci-dessous. ACTIVER PAR DES POLITIQUES INCITATIVES LE
C'est le but des agences de la maîtrise
de l'énergie, et notamment celle de l'ex-Agence française
pour la maîtrise de l'énergie (AFME) devenue
en 1991 l'Agence de l'environnement et de la maîtrise
de l'énergie (ADEME). Il s'agit de faire prendre conscience aux
acteurs des dimensions énergétiques de leurs décisions
et les aider à opérer des choix allant dans le sens de la
réduction de la demande d'énergie en développant des
offres d'expertises, des campagnes de communication ou encore des aides
à la recherche. En France, l'AFME a opéré dans toutes
ces directions (Morcheoine [1991]):
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Un programme parallèle, Virages, a été
introduit pour les poids lourds et ses retombées permettent des
améliorations de l'ordre de 1 1/100km chaque année sur des
produits commerciaux. Enfin, le programme Voiture propre et économe,
auquel participe l'ADEME, prolonge aujourd'hui les efforts précédents.
c) Parallèlement à ces actions ciblées sur les nouveaux véhicules, des actions sur les parcs existants, et notamment les flottes de poids lourds, ont été développées: audits énergétiques (pris en charge à 50%), contrats d'entreprises (avec des procédures rapides d'aide à l'équipement, variant de 10 à 30% du montant de l'équipement), ont favorisé des économies de 15 à 18% avec des temps de retour des investissements inférieurs à 3 ans. Dans le même temps ont été proposées des aides aux industriels souhaitant se raccorder au réseau ferré. d) Depuis le contre-choc pétrolier, le soutien à la recherche de véhicules économes se poursuit, des actions ciblées sur le grand public se développent en matière d'entretien des véhicules (on estime que plus d'un million de tep sont perdues chaque année par des véhicules mal réglés) et de comportement de conduite (assistance Minitel pour le choix d'itinéraire, sensibilisation des jeunes conducteurs dans l'enseignement du permis de conduire). e) Deux autres axes apparaissent, sur lesquels nous reviendrons : l'amélioration de la gestion de la circulation routière et l'amélioration de l'attractivité des autres modes de transport. Au total, le bilan de l'ensemble de ces actions est loin d'être négligeable: pendant les quinze années qui ont suivi le premier choc pétrolier, l'augmentation de la consommation "aurait dû" être de 16 MTEP, elle s'est limitée à 9 MTEP. FAIRE EVOLUER LES SYSTEMES DE TRANSPORT
Les écarts considérables de consommation
entre modes justifient une orientation de l'investissement vers les transports
plus économes d'énergie. Le développement des réseaux
TGV, capables de prendre des parts de marché très significatives
à l'avion, d'un système européen de transport combiné
impliquant des investissements lourds en chantiers de transbordement, et
celui des transports publics en ville entrent dans cette logique. Il faut
cependant se garder de toute naïveté:
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c) On observe des écarts de consommation importants au sein du système routier lui même. Ils sont liés d'une part aux conditions de trafic, d'autre part aux véhicules utilisés. En ville, les consommations augmentent fortement avec le niveau de congestion; sur autoroute il faut compter environ 1 1/100km de plus pour toute augmentation de vitesse moyenne de 10km/h. Pour ce qui concerne les véhicules et leurs conducteurs, on rappellera simplement que les consommations moyennes des véhicules varient dans un rapport de 1 à 2 au moins, que la consommation d'un même modèle en circulation urbaine varie fortement avec la version de sa motorisation (variations observées de 3 à 4 1/100 pour une plage de vitesse de pointe de 140 à 190 km/h), qu'un véhicule mal entretenu peut consommer 10% de plus, un conducteur nerveux 25% de plus, etc. Il y a, là encore, à la fois un champ d'économies possibles considérable et une source importante de malentendus. La réduction des embouteillages par des routes nouvelles ou de nouveaux parkings au centre-ville peuvent réduire les consommations kilométriques mais augmenter les consommations globales. En outre le niveau d'intervention publique reste souvent timide; c'est ainsi que les pays européens n'ont pas adopté de système unifié de vitesse limite sur autoroute, comme l'on fait les Etats-Unis au moment des crises pétrolières (90Km/h); par ailleurs la France adopte un système de contrôle technique obligatoire sans contrôle des consommations. UNE STRATEGIE GLOBALE DE MAITRISE Nous avons présenté les grandes
lignes d'un scénario d'évolution des transports européens
à long terme (Orfeuil F1990]), et avons montré qu'on pouvait
obtenir, par rapport au scénario tendanciel, un niveau d'économie
de l'ordre de 25%. Nous en rappelons ci-dessous les fondements scientifiques,
la philosophie générale et les principales options, en les
enrichissant de développements apparus récemment. Les fondements
scientifiques reposent sur deux constats largement développés
dans les analyses précédentes:
LA PHILOSOPHIE GENERALE REPOSE SUR QUATRE PRINCIPES a) La mobilité des hommes et des
biens est un acquis des sociétés développées.
p.69
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c) Dans la mesure des possibilités,
des avantages en matière de protection de l'environnement, de maîtrise
des congestions, de lutte contre l'insécurité routière
et de qualité de la vie en ville doivent être recherchés
en même temps que la maîtrise des consommations.
d) Des innovations radicales (dont les effets immédiats en matière de consommation sont modestes) seront introduites, avec pour objectif principal de montrer que l'avenir est ouvert, qu'il n'est pas obligatoirement dans la prolongation des tendances du passé. LES GRANDES OPTIONS SONT LES SUIVANTES a) Faire évoluer le parc de véhicules
routiers vers des véhicules moins consommateurs, moins puissants,
moins rapides, mieux entretenus. Les instruments de cette stratégie
sont des politiques de prix (augmentation de 25% du prix du carburant,
progressivité forte de la fiscalité automobile en fonction
de la puissance ou de la consommation des véhicules, taxes à
l'achat ou taxes de possession progressant avec ces paramètres),
de normes et de règlementation (interdiction totale des voitures
pouvant dépasser 160 km/h sur l'ensemble des réseaux autoroutiers
européens, intégration des tests de consommations dans les
procédures de contrôle technique obligatoire). Ces mesures
sont extrêmement productives en matière de consommation. Nous
avions évalué à 6 MTEP l'impact de ces mesures, hors
contrôle technique qui peut apporter un supplément de l'ordre
de 1 MTEP, au terme de la période de 10 à 15 ans nécessaire
au renouvellement du parc, et l'effet sur la sécurité routière
ne peut être négligé. Elles ne conduisent pas, à
notre avis, à une modification radicale des modes de vie. Notons
cependant qu'elles amèneraient le parc automobile de la Suisse (pays
européen aux véhicules les plus gros et les plus puissants)
à évoluer vers la physionomie générale du parc
automobile italien dont les véhicules sont les plus petits. Est-ce
possible et souhaité par la population?
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f) Enfin (et peut-être surtout) mettre sur pied des instruments économiques permettant d'affecter au transport routier de marchandises la tôtalité des coûts qu'il engendre. Ces mesures sont bien évidemment beaucoup plus coûteuses en matière d'investissement et seront beaucoup moins productives en matière d'économies de carburant. Elles ne prennent leur sens qu'en dynamique, puisqu'il faut investir de toute façon pour répondre à l'augmentation prévisible de la demande. Nous en avons évalué l'effet à 2 MTEP pour la France. g) Orienter le développement urbain vers la compacité, la polyvalence des espaces et l'adaptabilité, et mettre l'offre de déplacements urbains en cohérence avec ces orientations (développement de zones piétonnes, d'itinéraires cyclables, arrêt des constructions de parking dans les centres, réalisation d'axes lourds de type tramway ). Il s'agit là pour l'essentiel d'éléments bien connus sur lesquels nous n'insisterons pas. Pour un pays comme la France, dont le réseau de transport public est encore peu développé, le potentiel d'économies est de l'ordre de 2 MTEP. h) Il paraît enfin très important de proposer à la population des innovations importantes, susceptibles d'ouvrir des horizons radicalement nouveaux. Parmi celles qui nous paraissent mûres ou proches de la maturité aujourd'hui, nous en évoquerons essentiellement trois 1) Des expériences de télétravail; proposition aux personnes qui le peuvent et le souhaitent de travailler une journée par semaine, par exemple, à domicile. 2) La mise en oeuvre effective de schémas du type "ville sans voiture", c'est-à-dire transformation de vastes espaces urbains en zones interdites aux véhicules thermiques et/ou aux véhicules privés grâce, soit à des systèmes de transport collectif à forte fréquence (minibus électriques), soit à des systèmes de parcs de voitures particulières électriques facilement accessibles par carte bancaire ou tout autre moyen d'identification électronique. 3) Pour les autoroutes radiales les plus encombrées, la mise en service de "voies réversibles" (voies supplémentaires vers la ville-centre le matin, vers la périphérie le soir) accessibles uniquement aux véhicules de transport public ou aux voitures ayant plusieurs passagers à bord. CONCLUSION Malgré les apparences, le système de transport est beaucoup plus flexible qu'il n'y paraît et des baisses de consommation de l'ordre de 30% pourraient être atteintes à échéance de 15-20 ans sans bouleversement majeur des modes de vie. Pour qu'elles se réalisent, il est indispensable de s'appuyer sur des conditions économiques et réglementaires nouvelles afin que les progrès techniques souvent remarquables accomplis par les industriels trouvent effectivement leur marché. p.70
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Les données globales sur l'évolution
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