RADIOPROTECTION
ET DROIT NUCLEAIREComment sommes-nous "protégés" contre le rayonnement ?
Les normes internationales de radioprotection. Le rôle de la Commission internationale de protection radiologique.(in SEBES, Radioprotection et droit nucléaire, Genève, 1998)
Par Roger Belbéoch
Physicien, Ingénieur retraité du LAL (Laboratoire de l'Accélérateur Linéaire), Université de Paris-sud, Retraité du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Paris.
Avant-propos / Introduction / Avant 1950 / 1950 / 1953 / 1956 / 1958-62 / 1965 / 1977 / 1990 / Conclusions / AnnexesTémoignage d'un radioprotectionniste de la CIPR
"Notre destin en temps que physiciens médicaux, une profession en progression constante, a été l'un des plus intéressants et des plus excitants, mais il n'a pas toujours été facile car il fut un temps où certains de mes collaborateurs furent rétrogradés ou perdirent leur travail parce qu'ils refusaient de céder aux pressions visant à abaisser nos critères de sécurité, parce qu'ils refusaient d'accepter des compromis conduisant à des conditions de travail insuffisamment sûres |
Ces textes sont de Karl Z. Morgan (Institut de Technologie de Géorgie, USA), extraits de l'article "Suggested Reduction of Permissible Exposure to Plutonium and Other Transuranic Elements" publié dans l'American Industrial Hygiene Association Journal, vol. 36, août 1975, p. 567-575. Dans cet article K. Z. Morgan recommandait la réduction par un facteur 240 de la charge corporelle admissible du plutonium.
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AVANT-PROPOS
Il est assez étrange de se préoccuper aujourd'hui de l'histoire de la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR) et de la radioprotection alors que les dégâts de cette institution parmi les travailleurs de l'industrie nucléaire sont considérables mais difficiles à expliciter selon les critères habituellement requis par les scientifiques. Rôle pervers de la science qui permet d'escamoter, sous des critères scientifiques très honorés, des dysfonctionnements de la radioprotection officielle qui ont produit et justifié un grand nombre de morts. |
Essayer de retracer la démarche des experts de la CIPR n'est-ce pas adopter leur rationalité? En quoi se résume cette rationalité? Évaluer le nombre de cancéreux, de retardés mentaux, l'accroissement du fardeau génétique pour nos descendants etc. que penser d'une société qui génère de tels experts pour une telle évaluation indécente?
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I. INTRODUCTION
L'industrie nucléaire, en ce qui concerne la protection du personnel et de la population, est, en principe, régie par des normes. Normes de sécurité apparemment précises, commissions internationales d'experts, contrôles sanitaires, mesure de la radioactivité dans et hors des centres nucléaires, règles administratives, études épidémiologiques, débats d'experts, etc. à première vue tout cela est bien rassurant et les promoteurs du nucléaire insistent beaucoup sur cet aspect: l'industrie nucléaire se déclare être la plus sûre et la plus propre de toutes les industries. |
Normalement, une telle activité en ce qui concerne la protection du personnel et de la population devrait susciter de la méfiance car, en toute logique, elle est la preuve que cette industrie est la plus dangereuse et la plus sale des industries à moins d'imaginer que, technocrates et industriels, soudain pris d'un remords tardif vis-à-vis du développement industriel du siècle dernier, désirent une industrie propre et que leur seul souci est la protection des individus. Ceci est difficile à imaginer.
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La mise en garde contre les effets biologiques du rayonnement que l'on peut trouver dans les interventions des divers Congrès de Radiologie n'était pas suffisante pour que l'usage des appareils de Rayons X et du Radium soit fait avec quelques précautions. La nécessité de normes de radioprotection s'est vite fait sentir dès que l'usage des appareils de rayons X s'est multiplié et que les effets néfastes des rayonnements ionisants se sont manifestés chez les radiologistes. La première norme a eu pour but de limiter la "dose peau" reçue par les radiologistes afin d'éviter l'apparition de radiodermites. Sans normes et sans quelques précautions, on aurait assisté à une véritable hécatombe parmi le personnel de radiologie. Cependant, l'application des règles de radioprotection est toujours demeurée vague et les dangers du rayonnement ainsi que les problèmes de dosimétrie n'ont jamais tenu une grande place dans l'enseignement médical et les manuels de radiologie et sont totalement ignorés dans la formation des physiciens et des ingénieurs.
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L'existence d'un seuil de dose en dessous duquel le rayonnement n'avait aucun effet était le fondement essentiel de la radioprotection. Ce n'est qu'en 1990 (publication CIPR 60) que la CIPR abandonnera explicitement l'hypothèse du seuil. |
Depuis quand l'accident apparaît-il dans leurs publications? Comment la CIPR jongle t'elle avec les limites d'incorporation pour la protection contre les contaminations internes? Ce sont tous ces aspects de la radioprotection qu'il faut suivre dans les publications de la CIPR. Cela nous permet de préciser sur quelles bases les promoteurs, les réalisateurs, les gestionnaires de l'industrie, ont fonctionné. Cela permet aussi de mieux comprendre la floraison d'études socio-économiques (le coût monétaire de l'"homme-sievert"), sociologiques (l'acceptabilité du risque), psychologique (la radiophobie, le risque psychologique) que l'industrie nucléaire finance grassement dans la communauté scientifique.
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II. LES RECOMMANDATIONS AVANT 1950
Avant la deuxième guerre mondiale, les recommandations de la CIPR concernaient les utilisateurs de générateurs de rayons X ou de radium. La première recommandation apparaît en 1934 sous la forme d'une dose tolérable de 1 Röntgen par semaine de travail (pour la CIPR, l' année comporte 50 semaines de travail). Il faut noter que le mot tolérable doit être interprété comme pouvant être subi sans atteinte à la santé. La norme se présente sous la forme d'un débit de dose bien plus que d'une dose annuelle. Le postulat qui est à la base de cette recommandation est qu'il existe un seuil de débit de dose en dessous duquel il n'y a pas d'effet biologique du rayonnement. Sous-jacent à ce postulat, il y a l'idée que si le débit de dose n'est pas trop fort, la restauration des cellules abîmées par le rayonnement peut s'effectuer et effacer complètement les dommages causés antérieurement aux cellules. |
Il faudra bien des années pour que ces idées disparaissent chez les experts officiels de la radioprotection.
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III. LES NORMES DE RADIOPROTECTION EN 1950
Les normes de 1934 seront celles qui serviront de base à la radioprotection pendant le projet Manhattan d'étude puis de fabrication des bombes atomiques durant la deuxième guerre mondiale. Ce n'est qu'en juillet 1950 (au sixième Congrès International de Radiologie à Londres) que la CIPR, nouvellement dénommée, révisera les normes de radioprotection [6]. |
Réduire le plus possible les expositions au rayonnement aurait eu des conséquences économiques assez redoutables pour l'industrie nucléaire. Il est vrai que cette recommandation n'exigeant aucune contrainte réelle laissait son application à la bonne volonté des gestionnaires nucléaires. Plus tard la CIPR reprendra ce concept au niveau le plus bas possible sous la forme plus acceptable pour l'économie nucléaire d'"ALARA : As Low As Reasonably Achievable" (aussi bas qu'il est possible de le réaliser d'une façon raisonnable). Elle y ajoutera une procédure d'optimisation des niveaux d'irradiation fondée sur les coûts.
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Cette dose se réfère à l'action sur la peau afin d'éviter des lésions à court terme alors que la liste des effets du rayonnement sur la santé donnée dans l'introduction comporte beaucoup de détriments autres que les lésions superficielles. La Commission se justifie cependant en estimant que cette dose de 0,5 röntgen sur la peau "devrait correspondre en gros [roughly] à 0,3 r pour les tissus critiques à savoir les organes hématopoïétiques". |
Des recommandations s'appliquent aux lieux de travail: ventilation, température, dimensions des pièces, hauteur sous plafond, et "toutes les pièces devraient de préférence être peintes en couleurs claires".
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IV. LE 7ème CONGRES INTERNATIONAL DE RADIOLOGIE,
COPENHAGUE, JUILLET 1953 [7]
Différents organismes internationaux participèrent à ce congrès de radiologie, en particulier l'International Commission on Radiological Units (ICRU) et l'International Commission on Radiological Protection (ICRP ou CIPR en français). |
Ce n'est qu'en 1990 (CIPR 60) que la Commission reconnaîtra explicitement son incapacité à fixer des limites de doses acceptables suivant des critères scientifiques ou médicaux. Il est donc plus commode de laisser un certain flou dans l'application de normes de radioprotection.
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1. Le rapport de la CIPR détaille les organes considérés comme critiques pour les effets potentiels retardés: |
2. Dans le rapport de la sous-commission II, le souci de protéger la population apparaît dans une courte remarque: "dans le cas d'une exposition prolongée d'une population importante il est recommandé que les niveaux admissibles acceptés pour les expositions professionnelles soient divisées par 10". Cela ne concerne pas les contaminations de courte durée ni les populations de faible importance numérique. Cette réduction d'un facteur 10 qui sera plus tard formalisée dans les recommandations de la CIPR ne s'applique pas aux irradiations externes de la population. Il n'y a guère de développement pour justifier scientifiquement ce facteur 10.
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V. LES RECOMMANDATIONS DE LA CIPR EN 1956 [9]
Les statuts régissant le travail de la CIPR précisent: "La ligne de conduite adoptée par la CIPR pour l'élaboration de ses recommandations est d'établir les principes fondamentaux de la protection contre les rayonnements et de laisser aux différents Comités de Protection nationaux le droit et la responsabilité d'adopter les règlements, recommandations ou codes de travail pratiques les mieux adaptés aux besoins de leurs pays respectifs". |
Aucune allusion n'est faite aux travailleurs de l'industrie nucléaire militaire pour lesquels la Commission pouvait avoir un recul d'une quinzaine d'années.
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4. Ces approches nouvelles des effets biologiques du rayonnement conduisent la CIPR à modifier assez profondément les doses admissibles:
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VI. LES RECOMMANDATIONS DE LA CIPR EN 1958/1962
Ces recommandations seront présentées comme une révision amendée des recommandations de 1958 dans la publication CIPR 6: |
3. La limite de dose pour les effets génétiques (5 rem/30 ans pour les gonades de la population dans son ensemble) peut être considérée comme "tolérable et justifiée en raison des bénéfices escomptés provenant de l'expansion des applications pratiques de l'énergie atomique".
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La CIPR met en garde les radiologistes lorsqu'ils doivent examiner des femmes qui peuvent être enceintes. Il faudra attendre encore des années avant que cette recommandation n'ait un écho dans le corps médical. |
La contamination interne: les concentrations maximales admissibles (CMA).
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Parfois on ne dispose même pas de données animales et des estimations sont faites avec des éléments ayant un comportement chimique similaire." Il est dit que dans quelques cas "certains radionucléides ont été administrés à des personnes en thérapeutique, dans d'autres cas des accidents ont entraîné l'absorption de radionucléides dans l'organisme" sans plus de précisions[8]. |
Si l'on compare les valeurs de CMA de l959 aux 14 valeurs maximales admissibles disponibles en 1950 on constate que si l'une est inchangée et deux autres diminuées, les 11 autres (soit plus de 75%) correspondant à 7 radionucléides ont toutes été augmentées, la CMA eau du plutonium 239 est multipliée par 66, celle du cobalt 60 par 100!
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VII. LES RECOMMANDATIONS DE 1965 (CIPR 9)
La sous-commission I (chargée des effets du rayonnement) rédige pour la Commission principale un rapport sur l'évaluation des risques du rayonnement [10]. Les recommandations furent adoptées le 17 septembre 1965 (CIPR 9)[11]. Dans l'introduction les expressions "risque acceptable" et "niveau acceptable" apparaissent pour la première fois sans explication mais le reste du texte s'en tient généralement au concept d'"admissibilité". |
La conclusion du rapport donne quelques précisions sur les estimations quantitatives des risques (ce qui suppose que les difficultés évoquées précédemment ont été ignorées):
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En conclusion du rapport il est admis qu'en moyenne les travailleurs de l'industrie nucléaire reçoivent environ 0,5 rem/an. Ceci bien sûr rétablit le facteur 10 qui pourrait manquer dans la comparaison avec les autres industries sans qu'il soit besoin de réduire les limites maximales admissibles d'un facteur 10. Quant aux travailleurs qui pourraient être exposés pendant de longues périodes à des doses voisines de la dose de 5 rem/an recommandée par la Commission, ils sont peu nombreux et leur risque serait 10 fois plus élevé. |
7. En cas d'irradiations non maîtrisables la notion de limite maximale admissible perd son sens. "Dans de tels cas, les dangers ou le coût social impliqués dans les contre-mesures doivent être justifiés par la réduction du risque qui en résulterait". Aucune précision n'est fournie sur la façon d'effectuer de tels calculs. L'absence de contre-mesures n'a pas, elle, à être justifiée!
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VII. LES RECOMMANDATIONS DE 1977 (CIPR 26)
Les recommandations de 1965, publiées en 1966 sont amendées en 1969 et 1971 mais la révision des recommandations adoptées par la CIPR en 1977 [13] apporte des vues nouvelles sur le système de radioprotection bien que les limites maximales de dose demeurent inchangées pour une irradiation uniforme de l'ensemble du corps [14]. |
L'article 12 précise les principes qui devraient guider les responsables de la radioprotection:
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D'autre part, d'après la CIPR, on pourrait se considérer en droit d'exiger, en cas de litige avec des pollueurs en radioactivité, que ceux-ci fournissent une justification de leurs pratiques. Que faire quand ils ne peuvent pas fournir de justification? Depuis quelques années on a découvert en France des décharges sauvages (véritables dépotoirs) émanant du Commissariat à l'Énergie Atomique, d'un grand nombre d'industriels et de laboratoires de savants fort éminents. A la suite de quoi, pour toute réplique, les autorités officielles se sont contentées de dresser un inventaire de toutes les décharges clandestines illégales. Les responsables auraient pu avancer que ces dépotoirs sauvages avaient économisé beaucoup d'argent à la communauté ce qui compensait les détriments éventuels sur la santé de la population (cancers, défauts génétiques). |
Pour les effets stochastiques, qui dépendent à la fois des doses reçues et des individus considérés comme moyennés dans un groupe, le facteur de risque donne le nombre d'effets héréditaires graves et le nombre de cancers mortels.
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3. L'acceptabilité du détriment |
Cette façon de définir l'acceptabilité du risque nucléaire permet à la CIPR de présenter les limites maximales acceptables d'une façon rationnelle sans qu'il soit nécessaire de consulter ceux qui devront subir les détriments. La dose annuelle maximale admissible sera le rapport du risque acceptable (probabilité acceptable de surplus annuel de mortalité) par le facteur de risque du détriment (probabilité du détriment, la mort par cancer par unité de dose). Ceci étant fixé, on pourrait s'attendre à ce que toute modification de l'un des deux termes se répercute automatiquement sur la limite acceptable. On verra que la CIPR ne pourra pas appliquer rigoureusement sa définition du risque acceptable et que, plus tard, obligée d'augmenter le facteur de risque elle abandonnera la façon de calculer la limite de dose acceptable. La CIPR sera obligée de modifier les règles de son propre jeu au fur et à mesure de l'évolution des données sur le facteur de risque de cancer.
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Cependant la Commission considère que "La relation qui existe entre la dose reçue par l'individu et un effet biologique déterminé constitue un sujet complexe dont l'éclaicissement exige encore beaucoup de travail". (Art. 27) Cela laisse entendre qu'une révision du facteur de risque du rayonnement est possible, probablement en baisse dans la pensée des experts de la Commission car la complexité évoquée ici concerne l'existence ou la non existence d'un seuil de dose en dessous duquel il n'y aurait aucun effet biologique ou que la relation effet/dose, dans le domaine des faibles doses ne serait pas linéaire mais quadratique (dans ce cas le risque par unité de dose diminuerait quand la dose diminue). |
6. Le "détriment", risque cancérigène et risque génétique
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La CIPR va rendre son système cohérent en affectant à la dose absorbée par chaque organe un coefficient wT. C'est la somme des doses pondérées par les wT des divers organes et tissus qui donnera ce qui est dénommé "équivalent de dose effectif". Ainsi la limite de dose annuelle pour l'irradiation localisée à un seul organe sera égale à la limite pour l'ensemble du corps divisée par wT soit (50 mSv/a : wT) ou (5 rem: wT). |
Ainsi en appliquant ses propres règles on peut dire que les doses acceptables recommandées par la CIPR correspondent à environ 10 fois ce qu'elle considère elle-même comme "acceptable"!
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Cette façon de procéder lui permet de réintroduire le facteur 10 qui lui manquait. Pour justifier ce facteur 10 au-dessus du risque défini comme acceptable, la Commission modifie brutalement son concept d'acceptabilité : "Une exposition de longue durée d'une proportion importante des travailleurs aux limites d'équivalent de dose ou à des niveaux proches de celles-ci, ne serait acceptable que si une analyse coût-avantages approfondie montrait que le risque plus élevé qui en résulte était justifié." (Art. 102) Il est évident qu'une analyse coût-avantages montrera que ces doses élevées conduisent pour l'exploitant à des économies alors que les coûts sont nuls puisque ces doses ne dépassent pas les limites recommandées donc n'entreront pas dans d'éventuelles indemnisations de maladies professionnelles. |
Là encore à propos de l'acceptabilité la CIPR abandonne le critère de protection annuelle acceptable pour les individus du public au profit à la fois d'une moyenne sur les individus et d'une moyenne dans le temps en acceptant que les individus des groupes critiques de la population puissent être soumis à des risques 10 fois supérieurs au risque acceptable. De cette façon la CIPR récupère le facteur 10 qui lui manquait.
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Les deux dernières colonnes donnent les doses maximales admissibles recommandées en 1965 (CIPR 9)* et les doses maximales acceptables recommandées en 1977 (CIPR 26). On voit qu'elles ont toutes été augmentées avec la nouvelle réglementation.
* Les valeurs de 1965 étaient en rem et nous indiquons donc toutes les doses dans cette unité.
Ainsi la CIPR établit la cohérence de son système de radioprotection non pas en conservant les limites acceptables d'irradiation des divers organes et en diminuant la limite de l'irradiation uniforme du corps mais en faisant l'inverse avec pour conséquence une réévaluation à la hausse des doses maximales relatives à l'irradiation des différents organes. |
Si ce surcoût de protection était dépensé dans un autre domaine, ce serait peut-être plus profitable pour la collectivité. Dans ce cas la réduction des doses n'est pas raisonnable. Ce concept d'analyse coût/bénéfice conduit à une protection de type social alors que la CIPR voulait fonder ses recommandations sur une protection essentiellement individuelle.
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IX. LES NOUVELLES RECOMMANDATIONS DE 1990 (CIPR 60, 1991)
Nous analysons ci-dessous les principes généraux. |
"Malgré l'existence de mécanismes de défense très efficaces, le clone de cellules résultant de la reproduction d'une cellule somatique modifiée mais viable, peut conduire après un retard prolongé et variable appelé période de latence à la manifestation d'une condition maligne, un cancer. La probabilité d'un cancer résultant du rayonnement augmente ordinairement lorsque les doses augmentent par incréments, probablement sans seuil et d'une façon qui est approximativement proportionnelle a la dose." (Art. 21)
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2. Les facteurs de risque |
Les nouveaux facteurs de risque sont les suivants:
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- La valeur du risque retenu par la CIPR avant sa réduction par un facteur 2 est déjà une valeur réduite par rapport à l'estimation faite en 1987 par la Fondation officiellement chargée de l'étude sur les survivants japonais [17]. Depuis cette date de nouvelles estimations faites à partir des mêmes données conduisent à des valeurs plus faibles sans qu'il soit aisé d'en comprendre les raisons. Ce sont les estimations les plus faibles qui ont retenu l'attention de la CIPR. |
"Pendant la période qui va de 3 semaines après la conception jusqu'a la fin de la grossesse, il est probable que l'irradiation peut causer des effets stochastiques dont il résultera un accroissement de la probabilité de cancer pour les enfants nés vivants [...] La Commission suppose que le coefficient de probabilité de mortalité est au plus égal à plusieurs fois celui de la population prise dans son ensemble." (Art. 91)
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3. Les limites de dose et le système de radioprotection |
Lorsque l'industrie nucléaire irradie des individus cela ne peut être que globalement positif et la protection de ces individus ne doit pas se faire au détriment des pratiques industrielles. La CIPR 60 n'introduit là rien de nouveau car cette déclaration de foi se retrouve depuis fort longtemps dans les textes de la Commission mais il est bon de le rappeler.
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Bien sûr la Commission ne peut pas recommander de négliger les effets du rayonnement, mais ceux-ci ne doivent pas dominer dans les prises de décision : |
"L'approche multi-factorielle de la Commission pour la sélection des limites de dose, inclut nécessairement des jugements sociaux appliqués aux divers facteurs de risque". (Art. 170).
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La CIPR considérait qu'1 mort par an pour 10.000 travailleurs était un risque acceptable car équivalent au risque de l'industrie la plus sûre (hypothèse contestable). Avec un facteur de risque cancérigène de 4.10-2.Sv-1 (4.10-4.rem-1) il en découle logiquement une limite "acceptable" annuelle de 2,5 millisievert (0,250 rem) pour les travailleurs. Cela est bien évidemment inacceptable pour l'industrie nucléaire. La Commission a dû faire un sérieux ménage dans ses concepts et l'abandon du principe d'objectivité scientifique facilitait sa tâche en lui évitant d'expliciter ses choix. |
Le respect des normes quelles qu'elles soient n'est pas une garantie de protection des individus. Dans les discours officiels, si les normes ne sont pas dépassées il n'y a aucun danger. La CIPR considère ces discours comme résultant de conceptions erronées. Dans ces conditions, la notion de "dangereux" très couramment utilisée, demande à être précisée. A la question "Est-ce dangereux ? " on ne peut répondre avant d'avoir la réponse à une question préalable : à partir de combien de morts dans un groupe donné considérez-vous qu'une situation est dangereuse ?
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La Commission se place délibérément dans une logique floue fondée sur des critères purement subjectifs qu'elle est totalement incapable de définir : une situation normale peut dans certaines conditions être considérée (par qui ?) comme anormale. Il en découle que l'inacceptable peut dans certaines conditions être déclaré acceptable (par qui ?). Quelles sont ces bases "raisonnables" auxquelles la Commission se réfère sans les définir ? Quelles sont ses critères de tolérabilité ? En modifiant les critères socio-économiques on peut rendre l'inacceptable acceptable ou tolérable. |
b) Pour la population
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Les critères d'acceptabilité du risque ne sont pas définis. D'ailleurs, ils n'ont pas à l'être car pour la Commission ils ne peuvent être que subjectifs. Elle n'est donc pas tenue d'expliquer comment elle additionne les divers types de détriment. |
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"Du fait des difficultés à réagir rapidement à la mise en place de réglements plus sévères pour le fonctionnement des installations et avec des équipements deja existants, la Commission admet que les agences chargées de la réglementation puissent souhaiter utiliser temporairement des limites de dose plus élevées." (Art. 168) |
8. La protection des individus?
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X. CONCLUSIONS
COMMENT EVALUER L'ACTION DE LA CIPR DANS LA PROTECTION RADIOLOGIQUE DES INDIVIDUS?
Un des soucis permanents de la CIPR dès son origine a été d'émettre des recommandations de radioprotection permettant à toutes les pratiques utilisant les rayonnements ionisants de se développer (tout en évitant une hécatombe chez les praticiens). Ceci s'est avéré particulièrement vrai concernant le développement de l'industrie nucléaire que la Commission a jugée globalement bénéfique à la société, sans analyse ni justification. Le but de la CIPR a consisté bien plus à montrer que les normes qu'elle recommandait permettaient une radioprotection efficace des travailleurs et de la population, qu'à établir réellement des normes contraignantes et efficaces. En fait ses recommandations n'ont en rien gêné l'essor de l'industrie nucléaire, elles l'ont tout simplement accompagné et ont fourni une base idéologique pour justifier moralement et socialement les pratiques de cette industrie. |
Toutes les précautions énoncées ne peuvent se traduire en terme de législation car elles ne sont pas quantifiables donc vérifiables. Autrement dit, tout ce qui est détaillé dans les recommandations de la CIPR ne s'adresse qu'aux exploitants nucléaires qui voient là des sources de dépenses supplémentaires non légalement obligatoires. On peut deviner le résultat. Quel exploitant nucléaire a procédé à une "optimisation coût/bénéfice" avant de prendre une décision? Inutile de jouer avec des équations pour s'apercevoir que les coûts sont pour lui et les bénéfices pour les autres. Quel gestionnaire dans notre système économique hésiterait devant une telle éventualité?
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Au début les experts admettaient un seuil de rayonnement en dessous duquel le rayonnement n'avait aucun effet. Les limites de doses admissibles étaient bien sûr en dessous de ce seuil donc le risque admissible était nul. |
Ainsi, ne pas faire allusion à la dose collective, ne pas donner de recommandations pour la réduire alors qu'on admet que le facteur de risque augmente c'est considérer comme acceptable que le nombre de morts augmente. Curieuse protection!
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D'autres gestionnaires sont moins inquiets. En effet, en cas de contamination de l'air, de l'eau, de la nourriture, il serait difficile à un individu d'évaluer par ses propres moyens l'équivalent de dose de rayonnement qui l'aurait affecté. Il lui serait impossible d'effectuer la moindre vérification concernant la prise ou l'absence de prise de décision éventuelle d'une contre-mesure (évacuation par exemple). Cette dose serait calculée par les experts officiels suivant de mystérieux modèles mathématiques dont les paramètres sont facilement ajustables pour obtenir ce que l'on désire. |
Ces recommandations particulièrement graves sont passées totalement inaperçues, la revendication des nouvelles normes, 20 millisievert par an pour les travailleurs et 1millisievert par an pour la population a occupé tout le terrain de la contestation.
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REFERENCES
[1] Roger BELBÉOCH, Les mythes de la radioprotection, SEBES, n°2, 1990, (p. 21-32).
- retour au texte - [2] Henri Becquerel par exemple. Après une brûlure accidentelle causée par le transport d'un sel de radium il déclare à propos du radium : "Je l'aime, mais je lui en veux". Cette anecdote est rapportée par Marie Curie dans son livre Pierre Curie, 1923.
- retour au texte - [3] Madame Pierre CURIE (sic), Radioactivité, Tome II, Editions Hermann et Cie, Paris, 1935, "Les radioéléments peuvent être utilisés pour la thérapie par voie interne, à la manière d'un médicament ; ils agissent alors principalement par le rayonnement a [...]". La Curiethérapie "fait appel à l'effet stimulant éventuel du rayonnement alpha, soit disséminé dans l'organisme, soit d'une manière plus locale". Marie Curie détaille ensuite les diverses formes que l'on peut utiliser: l'ingestion de boissons radioactives, les injections intraveineuses ou intramusculaires, l'inhalation de radon, les bains dans des eaux radioactives. Elle signale aussi l'intérêt des "engrais radioactifs composés généralement de résidus de fabrication de minerais radifères". (Elle ne mentionne pas que cette propriété est bien commode pour se débarrasser des déchets radioactifs en les rentabilisant dans l'agriculture). Toutes ces propriétés bénéfiques correspondent à des faibles doses (d'ailleurs pas si faibles que cela avec les critères actuels). Les effets néfastes des fortes doses sont bien sûr mentionnés.
- retour au texte - [4] Maurice LEBLANC, L'île aux trente cercueils, 1919. Le héros Arsène Lupin récupère sur Vorski le "superboche" (sic) la précieuse Pierre-Dieu, bloc de pierre venant de Bohême et contenant du radium. Cette pierre permet par une utilisation judicieuse d'améliorer la croissance des plantes et la santé des gens.
- retour au texte - [5] Catherine CAUFIELD, Multiple Exposure, Chronicles of the Radiation Age, Penguin Books, 1989. L'auteur donne de nombreux exemples de publicité pour l'usage thérapeutique de la radioactivité. Le dernier mentionné date de 1985 et recommande des séjours prolongés dans l'atmosphère de radon de mines abandonnées contre arthrose, sinusite, migraine, eczéma, asthme, psoriasis, allergies, diabète.
- retour au texte - [6] "International Recommendations on Radiological Protection", London 1950", in British J. of Radiology, 1951, Vol. XXIV n°277.
- retour au texte - [7] Seventh International Congress on Radiology, Stockholm 1954, Acta Radiologica, Supplementum 116.
- retour au texte - [8] En 1993 l'enquête d'une journaliste américaine révélait que des cobayes humains avaient été utilisés dans les années 1940-1950 pour l'étude des effets du rayonnement. En particulier, des médecins ont effectué des injections de plutonium et d'uranium enrichi, ont exposé des personnes à des nuages radioactifs et à des doses massives de rayons X. Ces informations ont été rapportées dans la presse française et dans la revue La Recherche, n° 275, avril 1995 (p. 384-393).
Il paraît impossible que de telles pratiques aient pu se mettre en place sans le consentement d'un certain nombre de scientifiques. C'est peut-être à eux que Niels Bohr voulait s'adresser. Si c'est le cas son appel n'a guère eu de résultat car ces pratiques ont duré au-delà de 1970.- retour au texte - [9] Les recommandations de la Commission en 1956 à Genève furent rédigées en 1958, publiées en 1959 (Pergamon Press) sous le titre Publication CIPR 1. La traduction française a été publiée en 1963, Gauthier-Villars Éditeurs, Paris.
Cette lenteur dans l'expression des recommandations est curieuse. Pour une Commission dont les membres n'étaient pas partisans de législations nationales concernant la radioprotection à cause de leur lenteur à s'ajuster à des recommandations rapides pouvant intervenir du jour au lendemain (voir le chapitre IV, 7ème congrès international de radiologie).- retour au texte - [10] ICRP, Committee I. "The Evaluation of Risks from Radiation", Health Physics, 1966, Vol. 12, p. 239-302
- retour au texte - [11] ICRP Publication 9, Pergamon Press, 1966
- retour au texte - [12] La collecte des données chez les survivants japonais a commencé en 1950, cinq ans après les bombardements. Il s'agissait au début d'un suivi de mortalité, la morbidité ne sera incluse dans le suivi que plus tard. La connaissance des lieux où se trouvaient les personnes au moment du flash, à l'intérieur où à l'extérieur des bâtiments (leur position, debout, penché, etc.) permettait de leur attribuer les doses censées avoir été reçues pendant l'explosion à partir d'un modèle mathématique représentatif de l'explosion. Une vive polémique surgit en 1980 à propos de l'évaluation des doses, elle se terminera par le constat que les doses calculées jusqu'alors étaient fausses, le modèle mathématique pour simuler les explosions n'était pas correct. Toutes les doses ont été recalculées. La fondation américano-japonaise chargée des études Radiation Effect Research Foundation (RERF) a refusé pendant longtemps de rendre publiques les données du suivi des survivants.
- retour au texte - [13] International Commission on Radiological Protection, "Recommendations of the International Commission on Radiological Protection", ICRP Publication 26 (Adopted January 17, 1977). Annals of the ICRP, vol. 1 n° 3, Pergamon Press.
- retour au texte - [14] Roger BELBÉOCH, "Les recommandations de la CIPR de 1977 à 1990: Comment les experts conçoivent notre protection contre les rayonnements", in Gazette Nucléaire n°105/106, nov. 1980.
- retour au texte - [15] Karl Z. MORGAN, "ICRP Risks Estimates. An Alternative View", Radiation and Health, the Biological Effects of Low Level Exposure to Ionizing Radiation, Edited by Robin RUSSELL Jones and Richard SOUTHWOOD, John Wiley and Sons, 1987.
En 1979 la CIPR 30 introduit pour les travailleurs les Limites Annuelles d'Incorporation par inhalation et ingestion et une Limite dérivée de concentration dans l'air. Entre 1979 et 1989 rapports principaux et additifs vont se succéder pour déterminer ces limites pour tous les radionucléides toujours sous le titre de CIPR 30.
A partir de ces limites on peut recalculer les valeurs des CMA eau et air. [La nouvelle unité utilisée est le becquerel (1 microcurie = 37.000 Bq)]. Karl Morgan, dans son article de 1987 montre que plus de 70% des nouvelles LAI correspondent à une augmentation des anciennes CMA air et eau.- retour au texte - [16] Edward P. RADFORD, "Recent Evidence of Radiation-induced Cancer in the Japanese Atomic Bomb Survivors, Radiation and Health, ibid; la traduction française de ce texte a été publiée dans Gazette Nucléaire n° 84/85, janvier 1988.
- retour au texte - [17] Dale L. PRESTON, Donald A. PIERCE, "The Effect of Changes in Dosimetry on Cancer Mortality Risk Estimates in the Atomic Bomb Survivors", Radiation Effects Research Foundation, Technical Report RERF TR 9-87.
- retour au texte - [18] Gazette Nucléaire n° 96/97, juillet 1989, p. 26
- retour au texte - [19] Roger BELBÉOCH, "Commentaires sur les projets Cogéma en Limousin", in Gazette Nucléaire n° 129/130, Déc. 1993.
- retour au texte - [20] Gazette Nucléaire n° 117/118, août 1992, p.10-13.
- retour au texte - [21] Académie des Sciences, "Risques des rayonnements ionisants et normes de radioprotection"., Rapport 23, Paris, 1989
- retour au texte - [22] L'adoption des nouvelles normes de radioprotection pour le public (1mSv/an au lieu de 5 mSv/an) a déclenché un tir de barrage des responsables français. Au sein de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) la France a tenté en 1994 de retarder la signature d'un accord international consacrant les nouvelles normes de la CIPR. Les arguments avancés par le chef de file de l'opposition aux normes de la CIPR, le Pr Pellerin, sont clairs si l'on se reporte aux indications du journal Le Monde du 2 juillet 1994: "Dans ces notes qui circulent sous le manteau dans les milieux du nucléaire, l'ancien directeur du SCPRI [Service Central de Protection contre les Rayonnements Ionisants] invoque des raisons d'ordre psychologique et médiatique à l'appui de sa thèse. La limite de 1 mSv serait immédiatement dépassée en cas d'incident même mineur. Or estime-t-il, "la population n'acceptera pas, en situation accidentelle, que l'on applique des normes moins sévères que celles applicables en circonstances normales".
- retour au texte - [23] Académie des Sciences, "Problèmes liés aux effets des faibles doses des radiations ionisantes", Rapport n° 34, octobre 1995. "Il n'existe pas de fait scientifique récent apportant un argument en faveur d'un abaissement à 1 mSv/an pour le public en France. (...) Il n'existe pas de fait scientifique indiscutable et récent, apportant un argument en faveur d'un abaissement des normes en vigueur en France pour les travailleurs (...). L'Académie des Sciences recommande depuis 1989 une dose-vie de 1 Sv pour les travailleurs."
- retour au texte - [24] L'irréductibilité de la position hexagonale contre les nouvelles normes a suscité des conflits entre les exploitants du nucléaire (EDF) mis au ban des exploitants mondiaux et les responsables en radioprotection. Dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques M. Claude Birraux, député, a organisé une audition ouverte à la presse sur la Radioprotection le 23 novembre 1995. Parmi les participants à cette séance M. Roger Clarke, Président de la CIPR et une importante délégation de l'Académie des Sciences dont le Pr M. Tubiana :Claude BIRRAUX, Contrôle de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaire, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Rapport n° 2651 (Assemblée Nationale), n° 278 (Sénat). Ce rapport comporte un compte-rendu de cette séance ainsi qu'un important article de Claude Birraux sur "Les Fondements scientifiques de la révision des normes de radioprotection".
- retour au texte - [25] Gazette Nucléaire n° 105/106 , 1991, p. 3-16
- retour au texte - [26] "Appel au corps médical", Gazette Nucléaire n° 96/97 , 1989, p. 28
- retour au texte - [27] Annie THÉBAUD-MONY et al. Enquête de médecins du travail sur le suivi médico-réglementaire des salariés prestataires de service des installations nucléaires de base, Recherche coopérative de l'Inspection médicale du travail de la région Centre et de l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale, décembre 1991.
- retour au texte - [28] Bella et Roger BELBÉOCH, Tchernobyl, une catastrophe Éditions Allia, Paris, 1993.
- retour au texte -
Avant-propos / Introduction / Avant 1950 / 1950 / 1953 / 1956 / 1958-62 / 1965 / 1977 / 1990 / Conclusions / haut de page / ANNEXES
ANNEXES
Annexe 1 - Annexe 2 - Annexe 3 - Annexe 4 - Annexe 5 - Annexe 6
Annexe 7 - Annexe 8 - Annexe 9 - Annexe 10 - Annexe 11 - Annexe 12
ANNEXE I
Le facteur de risque cancérigèneLe facteur de risque (nombre de cancers mortels par million d'hommes-rem ou 10.000 hommes-sievert) est essentiellement fondé sur le suivi de mortalité des survivants japonais des bombes A. Les premières estimations pouvaient laisser croire à l'existence d'un seuil (et même d'un effet bénéfique aux doses faibles) mais cela disparut avec un suivi plus long. Une des explications donnée par Alice Stewart fut que les survivants constituaient une population non standard compte tenu de la situation catastrophique qui suivit les bombardements et élimina les individus les plus faibles de la population. Les survivants constituaient donc un groupe sélectionné ayant un niveau de santé supérieur à la moyenne. Cette sélection a été d'autant plus accentuée que la dose reçue était plus élevée. Seuls les plus résistants ont survécu aux fortes doses. Deux effets antagonistes se superposaient: effet cancérigène croissant avec la dose + effet de sélection croissant avec la dose.
Leur résultante pouvait avoir l'aspect d'un effet cancérigène indépendant de la dose, du moins pour les doses pas trop élevées. Cet effet de sélection s'atténuera avec le temps et l'observation montrera un effet cancérigène compatible avec une relation linéaire en fonction de la dose pour des suivis suffisamment longs.
Un autre point qu'il faut souligner c'est que ce facteur de risque cancérigène mortel est divisé par un coefficient 2 lorsqu'il est appliqué à des cohortes autres que celle des survivants japonais. Le Comité UNSCEAR des Nations-Unies (UNSCEAR: United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation) indiquait en 1988 une fourchette de 2 à 10 comme coefficient de réduction.
L'argument avancé est que les survivants japonais ont subi le rayonnement sous la forme d'un flash très bref pendant lequel la restauration cellulaire n'a pas pu s'effectuer. Le risque serait donc plus élevé, à dose cumulée égale, que pour des irradiations chroniques à faible débit de dose. Il s'agit là d'un argument tout à fait théorique qui ne s'appuie sur aucune observation expérimentale concernant l'induction de cancers. Bien au contraire, une étude du National Radiological Protection Board (NRPB) sur les travailleurs de l'industrie nucléaire britannique soumis à une irradiation professionnelle à faible débit de dose, montre que le taux de leucémie trouvé chez ces travailleurs est voisin du résultat brut observé sur les survivants, sans le facteur 2 de réduction utilisé par la CIPR et ce résultat est statistiquement significatif. Quant aux tumeurs solides, le facteur de risque est supérieur à celui admis par la CIPR mais la statistique est insuffisante pour affirmer ce résultat avec une bonne confiance statistique. Un suivi plus long devrait améliorer la précision. Cette première étude a été publiée en 1992, complétée en 1993. Depuis, le NRPB n'a rien publié sur le sujet. Une deuxième analyse a pourtant été planifiée mais la publication ne serait pas imminente. Il semble bien que la mise en place du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) à Lyon qui désormais centralise toutes les études sur les travailleurs a plutôt ralenti le cours des choses.
Les organismes chargés de l'étude des effets biologiques des rayonnements ionisants utilisent des coefficients de réduction lorsqu'ils transposent les résultats du suivi des survivants japonais à des populations soumises à des rayonnements à dose faible et à débit de dose faible. Le tableau ci-dessous donne le facteur de risque évalué par divers organismes. On voit que la CIPR comme l'UNSCEAR prennent les facteurs de risque les plus faibles. Toutes les publications qui ont repris l'étude des survivants japonais font l'impasse sur l'estimation la plus élevée du risque cancérigène du Rapport TR-87 de 1987 de Preston et Pierce:
REFERENCES Alice STEWART, "Effets sur la santé de l'irradiation par des doses faibles", in Gazette Nucléaire, n° 56/57, décembre 1983, p. 8-24 (numérisation à venir).
G. M. KENDALL et al., "Mortality and Occupational Exposure to Radiation : First Analysis of the National Registry for Radiation Workers, in British Medical Journal, vol. 304, 1992, p. 220-225.
G. M. KENDALL et al., "First Analysis of the National Registry for Radiation Workers : Occupational Exposure to Ionising Radiation and Mortality", NRPB Report. NRPB-R251, January, 1992.
M. P. LITTLE et al., "Further Analysis, Incorporating Assessment of the Robustness of Risks of Cancer Mortality in the National Registry for Radiation Workers, J. Radiol. Prot. Vol. 13, n° 2, 1993, p. 95-108.
Bella BELBÉOCH, "Le suivi de mortalité des travailleurs de l'industrie nucléaire britannique: une nouvelle estimation du risque cancérogène du rayonnement", in Gazette Nucléaire, n° 117/118, août 1992.
Committee on Biological Effects of Ionizing Radiation (BEIR V). Health Effects of Exposure to Low Levels of Ionizing Radiation, United States National Academy of Sciences, National Research Council, National Academy Press, Washington, 1990.
UNSCEAR, Sources and Effects of Ionizing Radiation, Report to the General Assembly, 1993.
Dale L. PRESTON, Donald A. PIERCE, "The Effect of Changes in Dosimetry on Cancer Mortality Risk Estimates in the Atomic Bomb Survivors", Radiation Effects Research Foundation, Technical Report RERF TR 9-87, 1987, pp. 35-36.
ANNEXE 2
La "ténébreuse affaire" de la dosimétrie des survivants japonaisIl n'est pas possible de séparer les recommandations de la CIPR du suivi de mortalité des survivants japonais des bombardements atomiques de 1945 qui constituent la plus grande base de données pour l'évaluation du risque cancérigène du rayonnement. En 1981 le monde de l'expertise en radioprotection fut violemment perturbé par une "ténébreuse affaire", expression utilisée par un vieil expert en la matière l'américain Seymour Jablon. On découvrait avec stupéfaction que la dosimétrie affectée aux survivants enregistrés pour l'étude était complètement fausse. Or ce sont ces doses qui permettent, connaissant le taux de mortalité des survivants, de trouver la relation effet/dose.
J'ai détaillé l'"affaire" en 1983 dans un article "Le système de radioprotection est fondé sur des données fausses" publié par la Gazette Nucléaire n° 56/57 de décembre 1983 (numérisation à venir...).
Dans l'étude des survivants japonais, l'évaluation des morts par cancers qu'on pouvait attendre dans une telle population a été critiquée depuis assez longtemps. Le deuxième terme de la relation effet/dose, les doses reçues à Hiroshima et Nagasaki était resté dans l'ombre et personne n'y faisait allusion, ce qui pouvait laisser croire que les doses ne posaient pas de problème.
Le 22 mai 1981 la revue scientifique américaine Science titre: "Les bases de 15 ans de recherches sur le rayonnement pourraient être fausses. La toxicité du rayonnement pourrait être sous-estimée".
Deux physiciens, W. E. Loewe et E. Mendelsohn, d'un laboratoire américain de recherche sur les armes nucléaires venaient de recalculer le rayonnement émis pendant les explosions d'Hiroshima et de Nagasaki. Leurs résultats mettaient en cause l'évaluation officielle du risque cancérigène du rayonnement.
"Que d'énergie, que de temps perdus par les uns et par les autres pour construire ces rapports biaisés, ensuite pour les démolir, finalement pour revenir à zéro". Ce texte est extrait de l'intervention du Pr Latarjet, membre de l'Institut, à une réunion de la SFEN (Société Française pour l'Énergie nucléaire) et de la Société Française de Radioprotection (SFRP) qui s'est tenue le 9 mars 1981, c'est à dire moins de trois semaines après la publication de Science. Ce professeur visait les études dont les résultats ne sont pas conformes aux normes officielles et qui sèment le trouble dans les consciences honnêtes. Les experts sont alors contraints à une gymnastique difficile afin, comme il dit "d'éviter au spectateur honnête les affres du débat". Le fait que l'étude qui lui sert de référence ne soit pas correcte ne semble pas troubler ce professeur, même si les trublions, cette fois, font partie de l'establishment nucléaire militaire.
A partir de 1947, le gouvernement américain a financé une enquête épidémiologique de grande envergure sur les survivants japonais. Paradoxalement, les catastrophes nucléaires d'Hiroshima et de Nagasaki allaient servir à démontrer que les dangers du rayonnement dans le domaine des "faibles doses" n'étaient pas très élevés, ce qui devait permettre un développement bon marché de l'industrie nucléaire avec des normes de protection suffisamment souples et non contraignantes. certains experts allèrent même jusqu'à démontrer l'effet bénéfiques des faibles doses.
Les survivants japonais vont être suivis de 1950 jusqu'à leur mort. Cela donnera l'"effet". Quant à la dose elle sera déterminée par des calculs simulant les explosions et la connaissance de l'endroit où chacun des survivants se trouvait au moment des bombardements. Des explosions expérimentales furent faites dans le Névada pour tenter de vérifier certains résultats des calculs. Ce dossier est longtemps demeuré secret. Quant aux données biologiques, elles ne furent pas accessibles à des chercheurs autres que ceux officiellement affectés à l'étude, bien qu'aucune clause de secret militaire ne fut avancée. Seules les conclusions sur l'effet du rayonnement et quelques analyses partielles furent publiées. quand le secret fut levé sur le calcul des doses reçues certains chercheurs demandèrent des explications sur les hypothèses utilisées. Le responsable, John Auxier, du Laboratoire National d'Oak Ridge, se déclara incapable de fournir des précisions sur les hypothèses qu'il avait utilisées car ses dossiers s'étaient égarés et furent détruits au cours d'un déménagement ! Rappelons qu'il s'agissait de secrets militaires servant de base à la protection sanitaire pour tous les habitants de la terre ! Étrange coïncidence car on apprend maintenant par les bouches officielles que, depuis 1975, beaucoup de spécialistes avaient de sérieux doutes sur la validité de ces calculs. Il faut noter que ces experts qui "doutaient" se sont abstenus de participer à la polémique qui opposait les deux grandes études quantitatives, celle sur les survivants japonais et celle sur les travailleurs de Hanford. Le responsable de l'étude (et de la disparition des données a récemment déclaré: "Nous savions à ce moment [en 1965] que la réponse que nous avions donnée n'était pas assez bonne, mais nous avions une réponse et les crédits s'épuisèrent".
L'important pour cet expert n'était pas d'avoir une réponse correcte mais simplement une réponse. il n'indique pas que les crédits lui furent refusés pour trouver une réponse plus correcte. La réponse qu'il apportait à la radioprotection était satisfaisante à la fois pour les promoteurs de l'industrie nucléaire et les militaires fabricants de bombes.
Les chercheurs qui viennent de refaire les calculs sont bien embarrassés et considèrent cette étude comme un cadeau empoisonné [...].
Leur position est assez délicate. hésitation à publier des résultats définitifs, déclarations contradictoires, affirmations curieuses du genre : nos résultats sont préliminaires, il ne faut pas en tirer de conclusions pour la radioprotection, mais de toute façon les conséquences biologiques seront inchangées (c'est quasiment une promesse faite aux officiels) et il ne sera pas nécessaire de modifier les normes de radioprotection. Or, même si leurs résultats sont préliminaires, on peut cependant tirer deux conclusions définitives :
1) Les calculs précédents étaient grossièrement faux.
2) Les normes actuelles de radioprotection n'ont plus aucun fondement scientifique [c'était en 1983].
Il faudrait d'ailleurs ajouter : de nombreux experts officiels connaissaient la situation et ils n'ont rien dit.
Des conférences en juin et septembre 1981 ont réuni des spécialistes. Cela devenait urgent, car le sujet risquait d'être explosif. Les journaux (américains) en parlaient, des bruits circulaient dans les couloirs des laboratoires spécialisés [...]. [L'expert officiel en radioprotection] Seymour Jablon a bien résumé la situation: "Étant donné l'expérience unique [sic] à Hiroshima et Nagasaki et les dizaines de millions de dollars qui ont été dépensés pour essayer d'accumuler des résultats de biologie humaine, il est vraiment consternant de penser que nous sommes ici, trente-six ans plus tard, à débattre des ordres de grandeur des doses reçues".
Et pour finir il formule le souhait que les recherches se terminent vite. Il n'ajoute pas que c'est son désir de vérité qui le pousse. Mais l'amertume de ses propos montre bien que ce genre de débats risque fort d'enlever beaucoup de crédibilité à ces experts qui depuis 1975 savaient (ou auraient dû savoir) que les données numériques sur lesquelles leurs discours s'appuyaient étaient fausses.
Le même Jablon précise clairement le sens que doivent suivre les nouvelles recherches: "Je pense qu'il est absolument nécessaire, dans cette ténébreuse affaire, que tout système de dosimétrie qui en résultera finalement soit raisonnablement en relation avec les influences biologiques que nous connaissons [...]".
Pour ce personnage important le raisonnement est le suivant:
1) Le rayonnement est peu dangereux et les normes traduisent ce point démontré parfaitement par l'étude épidémiologique que nous, experts dûment reconnus, avons faite sur les survivants japonais.
2) Comme le rayonnement est peu dangereux et que les normes internationales sont parfaitement fondées (voir le paragraphe précédent), il n'est pas pensable qu'un calcul sur les explosions d'Hiroshima et de Nagasaki puisse montrer le contraire.
Le raisonnement est d'une parfaite circularité : il faut s'appuyer sur les normes internationales pour évaluer les doses de rayonnement reçues par les survivants japonais, dont la connaissance est nécessaire pour estimer le risque cancérigène du rayonnement afin d'établir des normes scientifiquement fondées! Ce personnage est probablement des plus importants car ses raisonnements curieux ne semblent pas avoir soulevé d'objection de principe de l'auditoire.
Quand on lit les comptes-rendus de ces réunions d'experts, il apparaît à l'évidence que les responsables officiels de la pathologie du rayonnement qui se disent les garants de notre protection ont un postulat de base : le rayonnement n'est pas dangereux. Ce postulat est absolument nécessaire pour le développement de l'industrie nucléaire.
Le fond de la discussion sur le calcul des explosions est le suivant. Le modèle mathématique utilisé en 1965 pour simuler les explosions conduisait à différencier les effets produits par les deux bombes. Celle d'Hiroshima (à uranium enrichi) aurait donné plus de neutrons que celle de Nagasaki (au plutonium). Ceci amenait les experts à attribuer une bonne partie des cancers observés chez les survivants à l'effet des neutrons. Il restait peu de cancers pour le rayonnement gamma. L'industrie nucléaire naissante grosse productrice de ce rayonnement était satisfaite. Mais cette évaluation suscite toujours des polémiques même parmi les experts officiels. Par exemple au cours des réunions du Comité BEIR de l'Académie des Sciences des U.S.A [comité spécialisé dans l'étude des effets biologiques des rayonnements], le président soutenait la thèse que le danger des neutrons était surestimé et qu'en conséquence le risque lié au rayonnement gamma était, lui, sous-estimé. Rossi, un autre expert soutenait la thèse inverse et proposait d'augmenter les doses maximales admissibles pour les gammas. La majorité du comité préféra recommander le statu quo, compromis finalement acceptable par les militaires et les civils. Cependant la polémique inquiéta certains laboratoires militaires qui se voyaient menacés d'un renforcement des normes de sécurité liées aux neutrons. Ceci les poussa à revoir les données de base que par ailleurs ils savaient douteuses. Les nouveaux calculs montrèrent que le taux de neutrons avait été surestimé d'un facteur pouvant aller jusqu'à 10. Le résultat est immédiat : les cancers qu'on attribuait aux neutrons il faudrait maintenant les attribuer aux rayons gammas qui deviennent alors particulièrement dangereux. Pour éviter la déroute des comités d'experts et les conséquences qui en résulteraient pour l'industrie nucléaire il était urgent de rendre l'affaire "ténébreuse" suivant l'expression de Jablon.
Signalons au passage qu'il n'y a plus maintenant aucune donnée valable sur l'effet biologique des neutrons et on voit difficilement comment les experts internationaux pourraient justifier une évaluation quelconque du risque de ce rayonnement. [C'était en 1983 mais ce n'est pas faux encore actuellement].
L'affaire s'est compliquée encore plus. Profitant du débat certains spécialistes commencèrent à éplucher de près les hypothèses de ces évaluations et mirent en doute ce que par euphémisme ils nomment négligences dans les calculs antérieurs. Toutes vont dans le même sens: surévaluer la dose affectée aux neutrons, ce qui minimise le risque cancérigène [des g]. On s'aperçoit alors qu'il faut recalculer correctement l'absorption du rayonnement par les tissus humains pour avoir la dose correcte reçue par les différents organes. D'autre part l'effet d'écran des bâtiments au moment des explosions a été assez largement sous-estimé. En particulier, un physicien d'un laboratoire américain de Brookhaven remarqua que, pour Nagasaki, une fraction importante de la population fut fichée avec des doses beaucoup trop fortes. En effet les travailleurs de l'usine Mitsubishi furent arbitrairement considérés comme étant à l'extérieur. Or pour eux l'effet d'écran protecteur des murs en béton et en acier de l'usine ainsi que les grosses machines fut très important. La difficulté de calculer l'effet ne justifie pas pour autant de le négliger. C'est pourtant ce qui a été fait. Le minimum qu'on devait exiger des experts c'était de reconnaître l'énorme difficulté de calculer les doses reçues par la population, de préciser les simplifications apportées par leurs hypothèses, d'évaluer honnêtement les marges d'erreur qui sont considérables. Or on s'aperçoit que toutes les hypotèses simplificatrices ont été dans le sens d'une minimisation de l'effet biologique. Ceci est particulièrement inadmissible quand il s'agit de la protection de la santé.
Le président du comité BEIR, Edward Radford, a relancé la polémique que les officiels de la santé avaient réussi à éteindre. Il proposa que les normes prennent en compte un risque deux fois plus élevé que celui reconnu auparavant et cela en attendant des résultats plus précis. Ce facteur 2 est d'ailleurs totalement arbitraire. Il ajouta qu'on devrait envisager, dans l'estimation des risques, l'induction de tous les cancers qu'ils soient mortels ou non. Ceci donnerait une meilleure évaluation du détriment causé par le rayonnement. La logique des normes internationales de radioprotection impliquerait alors de réduire les doses maximales admissibles pour les travailleurs et la population par un facteur 2 ou 4. Les experts auraient évidemment toujours la possibilité de renoncer à leurs critère d'acceptabilité et de le remplacer par un critère de nécessité pour l'industrie nucléaire, indépendamment des conséquences pour la santé [...]
Cette "affaire" assez extraordinaire où l'on découvre que des données de base essentielles pour l'établissement des normes de radioprotection ont été jetées à la poubelle, n'a guère eu d'écho dans les médias. Une fois le consensus obtenu parmi les belligérants on n'en parla plus.
Les doses reçues par les survivants japonais ont été réévaluées à partir des modèles déclarés corrects. La nouvelle dosimétrie établie en 1986 (DS-86) ne change pas grand chose au facteur de risque : les neutrons ont diminué mais les gamma ont augmenté. Les résultats sont désormais plus concordants entre Hiroshima et Nagasaki.
ANNEXE 3Le rayonnement médical La CIPR ne tient pas compte du rayonnement médical pour établir les limites de dose. Pour la Commission, le rayonnement médical est celui qu'on délivre aux malades. Suivant cette logique, il faudrait considérer les examens par rayons X imposés aux travailleurs de l'industrie nucléaire afin de suivre leur état de santé, comme du rayonnement professionnel. La CIPR n'adopte pas cette logique mais le problème n'a pas été soulevé dans les milieux syndicaux et n'a pas été débattu par les travailleurs concernés.
Les irradiations médicales ne font pas partie du champ de la radioprotection. Elles sont sous la seule responsabilité des médecins. Cependant la CIPR ressent le besoin d'aborder ce problème dans un chapitre spécial de ses recommandations.
Dans la publication 26 de 1977, la CIPR indiquait à propos des "examens directement liés à une affection":
"Il est indispensable que la décision soit fondée sur une évaluation correcte de l'indication de l'examen, du bénéfice escompté de l'examen et de l'importance que les résultats peuvent avoir pour le diagnostic et le traitement médical ultérieur du patient. Il est également important que cette évaluation soit faite sur la base d'une connaissance suffisante des propriétés physiques et des effets biologiques des rayonnements ionisants." (Art. 197) Cela revient à mentionner aux médecins qu'un diagnostic ou un traitement médical par rayons X n'a pas à être effectué s'il n'est pas vraiment utile car il n'est pas sans danger pour le patient.
"Pour les examens systématiques faits en vue du dépistage de masse, la justification devrait être fondée sur le bilan, d'une part entre les avantages qu'ils comportent pour les individus examinés et pour la population dans son ensemble et, d'autre part, les coûts, y compris le détriment, entraînés par le dépistage." (Art. 201)
Ce bilan revient à comparer l'efficacité des dépistaqes (nombre de personnes guéries) et les coûts correspondants. Pour la CIPR ce coût ne se réduit pas aux dépenses mais doit aussi inclure le "détriment", c'est à dire le nombre de personnes qui développeront un cancer radioinduit. Brutalement cela revient à dire qu'il faut comparer pour chaque type d'examen svstématique le nombre de personnes que l'on sauve et le nombre de personnes que l'on condamne à terme. Une bonne connaissance des effets biologiques du rayonnement est nécessaire pour faire ces évaluations. C'est certainement la raison pour laquelle la CIPR terminait ses recommandations concernant l'irradiation médicale par un article relatif à la formation professionnelle:
"La Commission tient à souligner l'importance qu'il y a à inclure une formation suffisante en protection contre les rayonnements dans l'enseignement et la formation générale des individus qui s'engagent dans une profession médicale ou paramédicale. Une formation plus approfondie en protection contre les rayonnements est nécessaire pour ceux qui projettent de s'engager dans la voie de la radiologie ainsi que pour les scientifiques et les techniciens qui apportent leur assistance dans l'utilisation médicale des rayonnements." (Art 208)
La CIPR dans ses nouvelles recommandations (CIPR 60) est plus explicite concernant les irradiations médicales. Elle intitule un de ses paragraphes "Optimisation de la protection dans le cas des irradiations médicales".
"Parce que la plupart des procédures qui sont cause d'irradiation médicale sont à l'évidence justifiées et que ces procédures sont habituellement directement bénéficiaires à l'individu exposé, moins d' attention a été portée à l'optimisation de la protection dans le cas des irradiations médicales que dans la plupart des autres applications des sources radioactives ; ll en résulte un champ d'action considérable en ce qui concerne la réduction des doses en radiodiagnostic. Des mesures simples et peu coûteuses sont disponibles pour réduire les doses sans perdre d'information dans le diagnostic, mais l'étendue de l'application de ces mesures varie beaucoup. Pour des investigations similaires les doses couvrent un domaine qui peut atteindre deux ordres de grandeur [deux ordres de grandeur = un facteur 100]. On doit mettre à l'étude des questions telles que l'emploi de contraintes de dose ou de niveaux d'investigation sélectionnés par des spécialistes appropriés ou l'agence réglementaire pour leur application dans certaines procédures courantes de diagnostic." (Art. 180)
La Commission ne semble pas penser que ses recommandations de 1977 concernant l'amélioration de la formation médicale sur les effets biologiques du rayonnement ont été efficaces. Elle propose maintenant un système plus contraignant pour s'assurer que les patients reçoivent le minimum de dose au cours des diagnostics ou des traitements par rayons X que leur état rend nécessaire.
ANNEXE 4
Le rayonnement naturelLe rayonnement naturel bien qu'exclu du champ de la radioprotection est évoqué à plusieurs reprises par la Commission dans la publication CIPR 60.
"La composante de l'irradiation du public due aux sources naturelles est de loin la plus élevée, mais ceci ne fournit aucune justification pour réduire l'attention qu'on doit apporter aux irradiations plus faibles mais plus facilement maîtrisables dues aux sources artificielles." (Art. 140)
"Parmi les composantes de l'exposition aux sources naturelles, celles dues au potassium 40 dans le corps, les rayons cosmiques au niveau du sol, et les radionucléides de la croûte terrestre sont toutes hors de portée de toute maîtrise raisonnable." (Art. 135)
D'une façon tout à fait incohérente, après avoir mentionné que le rayonnement naturel ne devait pas servir de référence lorsqu'on s'occupe de sources artificielles de rayonnement, la CIPR finit par utiliser le rayonnement naturel dans ses critères d'acceptabilité pour l'irradiation du public:
"La seconde approche est de fonder le jugement sur les variations des niveaux de dose existants du fait des sources naturelles. Ce fond naturel peut ne pas être sans danger mais il donne seulement une petite contribution au détriment sanitaire que la société subit. Il peut ne pas être le bienvenu, mais les variations d'un endroit à un autre (à l'exclusion des fortes variations de dose dues au radon dans les habitations) peuvent difficilement être appelées inacceptables." (Art. 190)
Puis renonçant à tout autre critère objectif d'acceptabilité la Commission fonde ses limites de dose uniquement sur le niveau du rayonnernent naturel:
"En excluant les niveaux d'irradiation très variables dues au radon, la dose efficace annuelle due aux sources naturelles est d'environ 1 mSv, avec des valeurs en haute altitude et dans certaines régions géologiques, au moins deux fois plus fortes. Sur la base de toutes ces considérations, la Commission recommande une limite annuelle de dose efficace de 1 mSv." (Art. 191)
On a vu comment ce critère conduisait à considérer comme acceptable pour la population en 1990 un niveau de rayonnement de 5 à 50 fois supérieur à celui que la Commission considérait comme acceptable en 1977. Il n'est pas venu à l'idée des experts que les populations pourraient éventuellement donner leur avis sur ce qu'elles sont prêtes à accepter.
Dans sa publication 26 de 1977 la CIPR avait bien défini son point de vue concernant le rayonnement naturel et les critères d'acceptabilité:
"Ainsi on considère que les variations régionales de l'irradiation naturelle impliquent une variation correspondante du détriment exactement de la même manière que, par exemple, les variations régionales des conditions météorologiques ou l'activité volcanique entraînent pour les différentes zones des risques de dommage qui sont différents. Compte tenu de ce qui précède, il n'y a aucune raison pour que ces différences dans l'irradiation naturelle influent sur les niveaux acceptables des expositions provenant des activités humaines, pas plus que ne devraient le faire les différences inhérentes à d'autres risques naturels." (CIPR 26, Art. 90)
Ainsi les experts de la CIPR ont pris en 1990 une position que les experts de 1977 (pour beaucoup ce sont les mêmes) jugeaient déraisonnables, sans avoir eu le souci d'expliquer un changement aussi radical de leurs critères.
ANNEXE 5
Le redoutable principe ALARALa CIPR a très tôt reconnu l'importance d'"optimiser" les doses reçues ou à recevoir par les travailleurs ou la population. Si l'on considère que le rayonnement est dangereux pour la santé, la logique d'une protection sanitaire correcte, sans restriction, aurait voulu que ces doses soient réduites au niveau le plus bas. En 1950 la CIPR recommandait effectivement de réduire les irradiations "au niveau le plus bas possible". Malheureusement la Commission ne donnait pas de précisions sur ce "possible". Était-ce aussi bas que possible physiquement ou était-ce aussi bas que possible économiquement? Le dilemme fut résolu plus tard.
En 1977 la CIPR introduisait le principe ALARA, "As Low As Reasonably Achievable", aussi bas qu'il est raisonnablement possible de réaliser. Mais est-ce "raisonnable" de condamner des gens à mourir de cancer en leur imposant certains niveaux de dose parce que la radioprotection coûte cher? Est-il raisonnable de condamner l'industrie nucléaire à dépenser des sommes considérables pour éviter quelques morts alors que ces dépenses pourraient menacer son développemnt? La CIPR ne pose pas le problème en ces termes d'une façon aussi crue mais ce qu'elle met en avant n'est-ce pas de préserver l'existence de l'industrie nucléaire dont les avantages pour la société sont le postulat majeur de son activité en tentant d'éviter des débordements qui pourraient socialement poser quelques problèmes?
La logique de la CIPR se justifie si l'argent nécessaire à l'amélioration de la radioprotection des individus (travailleurs ou population) est plus utile dans d'autres domaines de la protection sociale en protégeant un plus grand nombre de personnes. Le raisonnement est simple et le résultat est simple: les économies d'argent faites par les exploitants nucléaires en n'augmentant pas la radioprotection ne sont pas versées au budget de la protection sociale. Cet argent reste dans la comptabilité des exploitants.
Lorsque la CIPR propose de fixer les niveaux de doses à partir d'une analyse coût/bénéfice qu'est-ce que cela signifie, qu'est-ce que cela implique? Cela signifie que la protection des individus a un coût financier et que le bénéfice que l'on peut en attendre c'est que le nombre de morts par irradiation soit moindre. Coût pour qui? Pour l'exploitant bien sûr. Bénéfice pour qui? Les individus. Il faudrait sans aucun doute une troisième force pour tenir le fléau de la balance. Laissons l'optimisation aux mains des exploitants et le résultat est garanti d'avance. Qu'est-ce que cette analyse implique? Pour établir une équation entre des grandeurs différentes il faut évidemment mesurer ces grandeurs avec la même unité. Les coûts se mesurent en coût monétaire. Et les bénéfices, c'est à dire la vie de certains individus ou leur mort comment les mesurer et avec quelle unité? L'analyse mathématique n'est possible que si la vie des individus (ou leur mort) est mesurée avec l'unité argent. Combien coûte la vie d'un individu? Telle est l'implication logique de ce concept cynique d'optimisation coût/bénéfice.
De cette approche de la vie est née toute une activité "scientifique" pour évaluer le prix de la vie en dehors des critères subjectifs du genre: à combien estimez-vous le prix de votre vie? Recherche obscène qui nourrit l'activité de technocrates de la vie et de la mort et donne lieu à des congrès d'experts. Cette recherche est nommée "coût monétaire de l'homme-sievert", et le sievert représente des cancers et bien d'autres "détriments".
La littérature sur ce sujet est très abondante et montre le point de perversion atteint par la réflexion rationnelle de notre société.
Nous retrouverons cette approche dans les critères à observer, d'après la CIPR, en cas d'"urgence radiologique".
ANNEXE 6
Les interventions hors des limites de doseLa publication CIPR 1 prévoyait la possibilité pour certains travailleurs d'être employés en dépassement de limite de dose. Il s'agissait d'"exposition accidentelle élevée unique au cours de la vie" ou d'une "exposition exceptionnelle [pour] un travail indispensable et exceptionnel". Dans les deux cas, ces doses hors des limites "admissibles" étaient balisées par des limites. Un addendum à la publication évoquait dans un court paragraphe l'"exposition en cas d'urgence des populations avoisinantes", mais aucune recommandation n'était formulée.
La publication CIPR 6, révisée en 1962, évoque explicitement l'accident nucléaire: "La Commission a considéré le problème d'une irradiation imprévue d'une population locale après le relâché accidentel d'une grande quantité de matériaux radioactifs [...]. Mais la Commission reconnaît qu'il y a beaucoup de difficultés et d'incertitudes qui restent à considérer". Ces difficultés concernaient essentiellement la fixation de limites pour la contamination interne de la population.
L'accident grave est cependant envisagé comme possible: "Dans le cas d'accidents et de contamination de l'environnement quand les irradiations peuvent ne pas être maîtrisables, le concept d'une dose maximum admissible fixée cesse d'avoir un sens. A la place d'autres considérations apparaissent, telles que le besoin d'équilibrer le risque dû au rayonnement aux risques de contre-mesures particulières." Mais cela est "encore à l'étude".
Les accidents nucléaires figurent donc dans les préoccupations des experts de la CIPR dès le début des années 60 cependant leurs réflexions sont encore très vagues. En 1965 (CIPR 9) le mot "accident" précédemment utilisé est remplacé par l'expression moins traumatisante de "sources non maîtrisables". Plus tard la CIPR utilisera l'expression "urgence radiologique". Au fur et à mesure que les accidents nucléaires possibles apparaissent de plus en plus graves, la CIPR utilise pour les nommer des expressions de plus en plus anodines.
La Commission ne peut rien recommander pour les "niveaux d'action" c'est à dire en clair les interventions qui pourraient limiter l'irradiation des populations.
En 1977 la CIPR 26 présentait ses recommandations d'une façon qu'elle voulait rationnelle. A l'époque, les accidents nucléaires extrêmement graves étaient du domaine de ce que les experts appelaient le "potentiel hypothétique", I'extrêmement peu probable (assimilé à l'impossible). Three Mile Island et Tchernobyl n'avaient pas encore marqué l'histoire de l'industrie nucléaire. L'accident du réacteur de Windscale en 1957 est loin d'avoir été négligeable mais il est passé quasiment inaperçu
Il est intéressant, puisqu'on analyse les conceptions de la CIPR, de regarder rapidement ce qu'elle envisageait en 1977 pour ce qu'elle appelait l'"intervention dans les situations anormales" sans définir exactement ce que cela signifiait. Voici les principes que la Commission recommandait:
"Expositions exceptionnelles concertées. Dans de rares cas, il peut se produire, en marche normale, des situations telles qu'il peut être nécessaire d'autoriser quelques travailleurs à recevoir des équivalents de dose dépassant les limites recommandées. Dans de telles circonstances, les irradiations externes ou les incorporations de substances radioactives peuvent être autorisées sous réserve que la somme de l'équivalent de dose dû à l'irradiation externe et de l'équivalent de dose engagé dû à l'incorporation de radionucléides ne dépasse pas, à l'occasion d'un événement donné, deux fois la limite annuelle appropriée et cinq fois cette limite au cours de la vie." (CIPR 26, Art. 113) "Au cours même d'un incident grave, l'action urgente nécessaire pour sauver des vies, pour prévenir des dommages aux personnes ou pour éviter une augmentation substantielle des proportions de l'incident, peut obliger à exposer quelques travailleurs au-delà des limites fixées pour une exposition exceptionnelle concertée. Ces travailleurs devraient être des volontaires et il est souhaitable qu'une information sur les risques dus à des expositions qui dépassent les limites soit donnée, dans le cadre de leur formation normale, à des groupes de travailleurs parmi lesquels on pourrait, dans un tel cas, trouver des volontaires." (Art. 191) L'information concernant le recrutement de volontaires pour intervenir en dépassement de limite de dose n'est pas une obligation, d'après la CIPR, elle n'est que "souhaitable".
[Dans une publication de mai 1984, consacrée à la protection en cas d'accident majeur, la CIPR réaffirmera ce principe du volontariat (CIPR 40, Art. 45).]
"Une fois l'événement initial maîtrisé, il restera le problème du travail de réparation. Celui-ci devra généralement être effectué en assurant le respect des limites recommandées par la Commission, mais, exceptionnellement, on peut rencontrer des cas dans lesquels l'application des limites impliquerait une dépense excessive, une durée excessive des opérations ou le recours à un nombre excessif de personnes. Il conviendrait alors d'examiner s'il ne serait pas juste d'autoriser une exposition exceptionnelle concertée pour un nombre limité de personnes qui effectueraient diverses opérations essentielles." (CIPR 26, Art. 192)
Mais que faire si des interventions très au-delà des limites de dose sont nécessaires pour limiter le désastre d'un accident nucléaire et s'il n'y a pas assez de volontaires? La meilleure façon de trouver des volontaires n'est-elle pas de ne pas les informer correctement des dangers réels encourus? Quant à la durée excessive des opérations ou au recours à un nombre excessif de personnes, le recours à plus de 800.000 liquidateurs après Tchernobyl (1986) n'était pas imaginable en 1977.
Tchernobyl est certainement un banc d'essai valable pour juger de la possibilité d'appliquer de tels principes.
1) Ne pas dépasser pour les interventions concertées (en cas d'accident on peut supposer que toutes les interventions sont concertées) deux fois les limites de dose soit 0,1 Sv (10 rem).
Les "responsables" soviétiques avaient-ils ce principe en tête quand ils envoyèrent des intervenants sur le toit du réacteur en détresse?
2) lls pouvaient envoyer ces gens, mais ce devait être des volontaires bien informés des risques qu'ils allaient courir. Les militaires que l'on a utilisés peuvent-ils être considérés comme des volontaires? Ont-ils eu des indications précises sur les effets biologiques du rayonnement, sur les conséquences pour leur santé, voire pour leur survie?A ce propos une information émanant d'EDF (Direction de la Production et du Transport) doit être mentionnée:
"Prescriptions au personnel.Les travailleurs sous rayonnement sont d'une façon générale tenus dans l'ignorance des risques qu'on leur fait subir. La notion de volontaire a priori est assez nouvelle. Les employés d'EDF doivent ignorer qu'ils ont été déclarés a priori volontaires pour recevoir en cas de nécessité des doses importantes de rayonnement. L'usage de l'armée pour des interventions en cas d'urgence exclut a priori le critère de volontariat.
Troisième partie-projet: Opérations sous rayonnements ionisants.
Nous avons par ailleurs considéré que tous les agents de catégorie A [travailleurs sous rayonnement] doivent recevoir une information spéciale sur les risques des expositions dépassant les limites, et sont a priori volontaires pour participer éventuellement à une intervention impliquant une exposition d'urgence." (publié par le Canard Enchaîné du 19 juillet 1989)
De fait, la Commission en 1990 n'indique plus dans ses recommandations (CIPR 60) que les intervenants qui auraient à subir des irradiations à des doses supérieures aux limites doivent être choisis parmi des volontaires. En cas de situation d'urgence ou pour la gestion post-accidentelle à long terme le texte demeure vague afin de laisser plus de souplesse aux décideurs:
"ll ne sera jamais correct d 'appliquer les limites de dose à tous les types d'exposition, dans toutes circonstances. Pour les circonstances auxquelles elles ne sont pas destinées, comme les cas d'urgence ou au cours d'opérations spéciales d'importance considérable, elles peuvent souvent être remplacées par des prescriptions de limites spécialement développées ou par des niveaux spécifiés de dose requis pour la mise en oeuvre et le déroulement d 'une action." (Art. 125)
"Le système de protection radiologique recommandé par la Commission en cas d'intervention est basé sur les principes généraux suivants :
a) L'intervention projetée doit apporter plus de bien que de mal, c'est à dire que la réduction des doses doit être suffisante pour justifier le mal et les coûts, coûts sociaux inclus, de l'intervention.
b) La forme, I'étendue et la durée de l'intervention doivent être optimisées afin que le bénéfice net de la réduction des doses, c'est à dire le bénéfice de la réduction des doses moins les coûts de l'intervention, doit être aussi grand qu'il est raisonnablement possible de le réaliser.
Les limites de dose ne s'appliquent pas dans le cas d'une intervention." (Art. 113)
"Le coût d'une intervention ne se réduit pas au seul coût monétaire. Certaines actions de protection ou en vue de remédier à la situation peuvent impliquer des risques non radiologiques ou des impacts sociaux sérieux. Par exemple l'évacuation des gens pendant de courtes périodes n'est pas très coûteuse mais cela peut causer la séparation temporaire des membres d'une famille et une anxiété considérable peut en résulter. Une évacuation prolongée et un relogement permanent sont coûteux et ont parfois été hautement traumatisants." (Art. 213)
"ll s'ensuit des paragraphes précédents qu'il n'est pas possible de définir des niveaux quantitatifs d'intervention pour des applications rigides en toutes circonstances." (Art. 214)
Ainsi les contre-mesures en cas d'accident doivent tenir compte de critères qui sont bien loin de la protection de la santé des individus. Les critères socio-économiques deviennent prépondérants. La CIPR amorce l'idée d'une protection de la santé mentale : évacuer des gens risque de les traumatiser et il serait peut-être plus tranquillisant de les laisser sur des territoires contaminés, d'autant plus que ces traumatismes psychologiques pourraient conduire dans certains cas à des troubles sociaux particulièrement embarrassants.
Le détriment dû au rayonnement (décès par cancers etc.) est généralement traité d'une façon comptable. Dans la publication 40 de 1984 on peut voir (Art. 40) des diagrammes sur lesquels les experts ajoutent le coût des contre-mesures et le détriment. L'école primaire nous a appris qu'on n'a le droit d'ajouter que des éléments de même nature. Malheureusement on ne trouve aucune indication sur le coût d'un décès par cancer radioinduit ou d'un enfant gravement retardé mentalement.
ANNEXE 7
La CIPR et le prix de la vieLe concept d'optimisation pour fixer les niveaux d'irradiation "acceptable", que ce soit en situation normale de fonctionnement ou en "situation non maîtrisable", implique que toutes les composantes de cette optimisation soient évaluées avec la même unité. On ne voit pas d'autre solution pour atteindre ce résultat que d'utiliser le coût monétaire, l'argent.
L'évaluation du coût que l'exploitant nucléaire devra payer pour réaliser un niveau de protection donné ne pose pas de problème. Par contre le coût des détriments dus aux irradiations implique de franchir quelques barrières morales.
La CIPR a donc été amenée à fixer un coût monétaire à l'homme-sievert. La Commission ne peut pas évaluer le prix de certains détriments tels que les retards mentaux graves chez les descendants ou le fardeau génétique qui affectera l'ensemble des générations à venir. Elle s'est donc bornée au prix de la vie ou de la mort d'un individu irradié.
En 1984 la CIPR préconisait de tenir compte des coûts économiques et sociaux pour optimiser les contre-mesures. Mais ce n'est qu'après Tchernobyl que les précisions sont apportées par la publication en 1993 du rapport CIPR 63 relatif aux "principes d'intervention pour la protection du public en cas d'urgence radiologique" (Principles for Intervention for Protection of the Public in a Radiological Emergency)[1].
La CIPR ne peut pas exclure de son analyse certains aspects non quantifiables qui interviennent dans la prise de décision d'une contre-mesure: "Des facteurs politiques et plus largement des facteurs sociaux feront nécessairement partie des décisions à prendre à la suite d'une urgence radiologique" (CIPR 63, Art. 31). Parmi ces facteurs socio-politiques la crainte de troubles sociaux, de "turbulences sociales" comme on le dit pudiquement n'est jamais mentionnée. Pourtant, après Tchernobyl, les protestations et les manifestations de rue qui ont eu lieu en Biélorussie et en Ukraine, embarrassant l'autoritaire pouvoir central soviétique, n'ont certainement pas échappé à la vigilance des experts de la CIPR. Il paraît évident que la visibilité d'effets sanitaires à court terme (morbidité, cancers de la thyroïde etc.) pourrait déclencher ces turbulences qui seraient bien plus inquiétantes que les effets biologiques à long terme certainement bien plus graves mais détectables uniquement après des décennies d'études statistiques parfaitement maîtrisables et dont les conclusions ne pourront être tirées que lorsque tous les individus à qui on aura fait courir des risques seront morts[2].
Les gestionnaires politiques et les exploitants nucléaires consacrent des sommes importantes à des études sociologiques, psychologiques qui complètent les campagnes publicitaires. Comment s'y prendre pour faire accepter aux individus n'importe quel niveau de risque? Il faut croire que ces dépenses sont jugées utiles.
Le prix de l'homme-sievert varie avec le niveau de développement du pays. Ainsi pour la CIPR l'homme-sievert vaut $ 100.000 pour un individu d'un pays développé riche alors que pour un individu d'un pays sous-développé la vie vaut 33 fois moins cher. La CIPR n'indique pas s'il faut tenir compte pour un pays donné de l'état social des individus: un pauvre d'un pays riche coûte-t-il aussi cher qu'un riche de ce pays et un riche d'un pays pauvre vaut-il autant qu'un riche d'un pays riche?
Comme application pratique la Commission "optimise" les critères d'évacuation en cas d'accident:
Type de pays Coût d'une évacuation en $ par homme-mois
cCoût en $ de l'homme-sievert
adébit de dose "optimisé" acceptable (mSv/mois)
c/aPays développé riche 500 100 000 5 Pays développé 200 20 000 10 P.V.Développement 40 3 000 15 c: coût d'une évacuation avec relogement ("réimplantation")
a: coût de l'homme-sievert
c/a: débit de dose "optimisé" acceptableLa CIPR dans cette publication 63 définit les niveaux d'intervention. Pour chaque type de contre-mesure elle fixe une limite pour la dose évitée justifiant toujours une contre-mesure. En somme une limite à ne pas dépasser. Puis elle fixe une limite 10 fois plus petite en dessous de laquelle la contre-mesure n'est jamais justifiée. Entre les deux limites on doit ou l'on ne doit pas intervenir, il faut "optimiser".
Bien évidemment les décideurs ne retiendront que cette limite obligatoire supérieure.
Ces niveaux d'intervention recommandés sont résumés dans le tableau qui suit:
Type d'intervention Doses évitées justifiant presque toujours l'intervention (mSv) Confinement 50 Administration d'iode stable 500
(dose à la thyroïde)Evacuation (moins d'une semaine):
dose corps entier
dose à la peau500
5 000 (5 Sv)Evacuation et relogement
"réimplantation"1 000 (1 Sv = 100 rem) Il est apparent que le souci essentiel des experts de la Commission est d'éviter des effets déterministes graves qui pourraient apparaître pour des équivalents de dose effective de 1 Sv (100 rem) ou une dose à la peau de 5 Sv (500 rem). Ces effets apparaîtraient à court terme et seraient particulièrement traumatisants pour la population qui pourrait devenir "turbulente". Le maintien de l'ordre est officiellement reconnu dans les plans d'intervention comme la nécessité première dans la gestion des accidents graves.
NOTES 1. Annals of the ICRP, ICRP Publication 63, Principles for Intervention for Protection of the Public in a Radiological Emergency (Adopté par la Commission en novembre 1992), Pergamon Press, 1993.
2. Roger BELBÉOCH, "Le risque nucleaire et la santé. La mort statistique", Pratiques ou les Cahiers de la médecine utopique, avril 1980.
ANNEXE 8
Les limites d'intervention pour la contamination de la nourriture en cas d'accident nucléaireLa publication CIPR 63[1] définit les limites de contamination de la nourriture pour une intervention toujours justifiée:
10 000 Bq/kg pour les émetteurs ß/g
100 Bq/kg pour les émetteurs a
Des contaminations inférieures au 1/10 ème de ces limites ne justifieraient pas d'intervention sur la nourriture.
Il est intéressant de comparer ces limites à celles décidées par le Conseil des Communautés Européennes à la suite de Tchernobyl:
et aux Limites alimentaires à respecter pour les accidents à venir: Règlement Euratom n°2218/89 (18 juillet 1989) "modifiant le règlement (Euratom) n° 3954/87 fixant les niveaux maximaux admissibles pour les denrées alimentaires et les aliments pour bétail après un accident nucléaire ou tout autre situation radiologique d'urgence":
On voit que ces limites sont bien en dessous des limites d'intervention toujours justifiées de la récente publication 63 de la CIPR. La plupart entrent dans la zone des interventions toujours non justifiées au sens de la CIPR.
La CIPR, ne faisant aucune différence dans ces recommandations entre les nourrissons et les adultes, admet pour les nourrissons des contaminations par le plutonium 100 fois plus élevées que celles recommandées par la CEE en 1989.
La CEE mettra-t-elle sa réglementation à jour pour s'aligner sur la CIPR?
NOTE [1] Annals of the ICRP, ICRP Publication 63, Principles for Intervention for Protection of the Public in a Radiological Emergency, (Adopté par la Commission en novembre 1992). Pergamon Press, 1993.
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ANNEXE 9
Quelques textes pour mieux connaître certains experts français de la CIPRJean-Claude Nénot: Adjoint au chef de service de la Protection Sanitaire (Commissariat à l'Energie Atomique), membre de la CIPR
Jacques Lafuma: chef du précédent, membre de la CIPR.
Ces deux membres du CEA et de la CIPR cosignent un article dans la Revue Générale Nucléaire, n°3, mai-juin 1976 où l'on trouve:
"Si l'on était capable d'analyser les mécanismes en jeu et de donner, pour chaque individu, la valeur des différents temps de latence génétiques, on pourrait établir, par individu, un profil de risque et sélectionner les travailleurs soumis au risque carcinogène. Les implications sont suffisamment importantes pour que les expérimentations des prochaines années en cancérogénèse radioactive soient consacrées à l'étude de ces mécanismes."
Avoir des individus insensibles au rayonnement et pouvoir les cloner, on imagine l'intérêt pour l'industrie nucléaire. Un effondrement de l'homme-sievert.
Ces deux "chercheurs" en radioprotection étaient sous la direction du Dr Jammet qui fut pendant plus de 30 ans membre de la CIPR. Mais il n'a pas pu dépasser le niveau de la vice-présidence. C'est donc lui qui orientait les recherches des deux collaborateurs mentionnés plus haut. Il est souvent intervenu dans les sphères du pouvoir pour signaler que les effets biologiques du rayonnement étaient un handicap inadmissible et qui pénalise cette bonne énergie. On doit donc le considérer comme l'initiateur des motivations de ses subordonnés les docteurs Nénot et Lafuma pour résoudre les problèmes de la radioprotection en sélectionnant des individus particulièrement résistants aux rayonnements comme les scorpions dont ils admiraient les défenses antiradiatives.
Le Pr Tubiana, éminence grise de la radioprotection en France, membre actif de l'Académie des Sciences, a été coopté à la CIPR de 1959 à 1962.
En 1958, juste avant sa nomination à la CIPR il fait partie d'un groupe d'experts de l'Organisation Mondiale de la Santé (quand on est éminent on se trouve un peu partout) qui publie un rapport sur les "Questions de santé mentale que pose l'utilisation de l'énergie atomique à des fins pacifiques". Voici quelques extraits significatifs des préoccupations de ces experts de l'OMS: "Il peut même être dangereux de diffuser des faits tenus pour certains." (page 42) Cela pourrait amplifier des "rumeurs". Mais si ces rumeurs concernent des "faits tenus pour certains" sont-ce encore de simples rumeurs?
Les handicaps psychologiques de l'industrie nucléaire peuvent être supprimés: "C'est seulement avec l'être humain au stade de l'enfance et en employant des méthodes d'éducation très différentes de celles qui caractérisent la plupart des civilisations, qu'on pourra obtenir une modification à l'échelle de tout un peuple." (page 44) Monsieur Tubiana et ses collègues de l'OMS avaient-ils en tête l'exemple des jeunesses hitlériennes? On peut se le demander en lisant le compte-rendu du Colloque sur les implications psychosociologiques du développement de l'industrie nucléaire tenu à Paris du 13 au 15 janvier 1977. Dans son allocution, en conclusion du colloque, le Pr Tubiana met en avant: "la nécessité pour les scientifiques de reconsidérer la façon dont est faite l'information. Il faut que nous cessions de voir celle-ci à travers un schéma simpliste et rationaliste mais l'acceptions telle qu'elle est." Il avait précisé un peu avant qu': "il faudrait que jamais un scientifique ne favorise cette confusion entre l'exposé des faits et un jugement de valeur". En somme pour ce "scientifique" les jugements de valeur peuvent être prédominants par rapport aux faits. Sa stratégie est simple: "il faut que nous recherchions l'efficacité dans l'information du public au lieu de nous contenter d'une information éthérée et parfaitement satisfaisante mais inintelligible et inefficace". Et pour lui sa référence d'efficacité est clairement exprimée: "l'efficacité de M. Goebbels était redoutable".
En somme, pour lui, la ligne de conduite est claire: secret, censure, mensonge, trucage et on comprend bien sa fascination pour l'efficacité nazie. C'est ce personnage passablement sulfureux qui fait la loi à l'Académie des Sciences, qui a participé aux travaux de la CIPR, qui a apporté sa contribution au Comité médical d'EDF (fonction rémunérée) qui a représenté la France au Conseil de Direction du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) à Lyon et qui participe certainement à bien d'autres comités d'experts.
On s'étonne qu'avec un tel personnage sélectionné à la CIPR pour ses compétences, on ne trouve pas de recommandations de la Commission pour rendre "acceptables" les risques psychologiques de l'industrie nucléaire.
Le Pr Pellerin qui a eu en charge la radioprotection en France depuis 1963 et a fait partie de la CIPR de 1973 à 1992, se réfère au rapport de l'OMS précédemment cité dans un article des Annales des Mines de janvier 1994: "Ce rapport appelait l'attention sur certains aspects du développement de l'énergie nucléaire et notamment sur l'opportunité:
- de ne pas développer de façon excessive les mesures de sécurité dans les installations nucléaires afin qu'elles ne provoquent pas une anxiété injustifiée,
- de convaincre les autorités qu'il n'entre pas dans le rôle des savants de prononcer des jugements de caractère psychologique ou moral sur des problèmes scientifiques."
C'est un véritable appel aux autorités de l'État à museler les scientifiques pour qu'ils ne participent pas aux débats sur les problèmes sociaux posés par le développement scientifique et industriel. Il aurait pu donner en référence le pouvoir soviétique qui a su contraindre les scientifiques au silence.
ANNEXE 10
De l'admissibilité biologique à l'acceptabilité financièreLa CIPR a toujours recommandé ses limites de dose de rayonnement en se fondant sur des principes justificatifs.
A l'origine, le seul détriment radiologique reconnu consistait en des effets, comme les radiodermites, que plus tard on a appelé effets déterministes et qui apparaissent assez vite après l'irradiation. Une multiplication de ces effets chez les utilisateurs aurait rapidement condamné l'industrie du rayonnement et il fallait les éviter. La limite de dose recommandée par la CIPR était donc une limite de débit de dose admissible, ce terme devant être interprété comme biologiquement admissible. Tout débit de dose inférieur à cette limite était considéré comme totalement, biologiquement admissible.
Au fil des ans des phénomènes biologiques à plus long terme durent être pris en compte par la CIPR. L'admissibilité biologique se transforma progressivement en une admissibilité sociale mais la signification réelle de ce concept ne fut pas précisée et la notion d'admissibilité est restée floue dans les publications de la CIPR.
En 1965 le niveau acceptable apparaît pour la première fois dans la publication 9, mais seulement dans l'introduction, sans explication de ce nouveau concept. La suite de la publication reprend l'ancienne notion d'admissibilité mais il devient clair que l'admissibilité du risque est désormais de nature fondamentalement sociale et non plus uniquement biologique.
Ce n'est qu'en 1977 (CIPR 26) que la notion d'acceptabilité du risque du rayonnement est définie «rationnellement». L'acceptabilité sociale des risques de l'industrie nucléaire doit être définie de telle façon que cela n'exige pas l'intervention des personnes qui devront subir ces risques. Une définition «scientifique» du risque acceptable permettait de préserver la démocratie sans que les citoyens concernés aient à donner leur avis. Cette définition rationnelle du risque acceptable était lourde de conséquences car elle faisait référence à ce que les gens du commun acceptent sans problème (dans leur vie professionnelle ou leur vie quotidienne). Si ces risques de référence venaient à diminuer (par exemple par amélioration des conditions de travail) ou bien si le facteur de risque du rayonnement venait à augmenter, alors, automatiquement les limites de dose acceptables devaient être diminuées.
C'est ce qui est arrivé assez rapidement après 1977. En 1990 la CIPR abandonne alors toute justification rationnelle de l'acceptabilité du risque du rayonnement. Elle va même jusqu'à déclarer qu'il n'est pas possible de fonder rationnellement les limites de dose sur la seule base de concepts scientifiques (biologiques). Les critères socio-économiques doivent être prépondérants pour juger de l'équilibre entre les risques et les bénéfices, mais aucun critère précis n'est avancé pour encadrer ces préoccupations financières.
L'histoire du passage de l'admissibilité biologique à l'acceptabilité sociale, puis à l'acceptabilité socio-économique pour aboutir finalement à l'acceptabilité financière, résume assez bien l'évolution de la CIPR.
ANNEXE 11
Pourquoi la CIPR?L'existence de cette Commission d'experts internationaux est assez étrange. Elle a manifestement eu, pour motivation première, la protection de l'industrie du rayonnement puis du nucléaire pour en permettre le développement. La fixation de limites de dose pour les travailleurs et la population aurait pu se faire sans le luxe de textes justificatifs que peu de gens lisent. Les Etats, quand ils suivent les recommandations de la CIPR pour établir leur réglementation administrative, ne retiennent que quelques valeurs numériques et évacuent les boniments. Quant aux experts de la CIPR, avant de publier leurs recommandations ils prennent l'avis de leurs collègues appartenant à des comités d'experts des Etats (experts de la CIPR et experts des Etats sont d'ailleurs, pour la plupart, souvent les mêmes).
En somme, la CIPR pouvait se concevoir comme un relais justificateur entre les experts délégués par les Etats et les Etats eux-mêmes, et elle n'aurait eu alors qu'un rôle subjectif, idéologique. Mais pour cela il aurait fallu que ses textes soient exploités par les médias chargés de la propagation de l'idéologie, ce qui n'a pas été le cas, les médias comme les Etats ignorent superbement les efforts littéraires de la CIPR. Quant aux promoteurs et aux gestionnaires de l'industrie nucléaire, eux non plus n'utilisent pas les textes de la CIPR pour justifier leurs décisions.
C'est peut-être parce que ces experts de la CIPR fonctionnent dans le vide, on dit maintenant le virtuel, qu'ils ressentent le besoin de tous ces textes de plus en plus longs, de moins en moins lus, pour justifier vis-à-vis d'eux-mêmes leur propre inutilité.
ANNEXE 12
Qui finance la CIPR?La CIPR est un organisme indépendant des États. Ses membres sont cooptés sur des critères de compétence médicale ou scientifique. Ils ne représentent donc pas les intérêts de leur pays.
Ces experts se réunissent souvent, ils viennent de très loin à ces réunions. Qui finance ces voyages, ces séjours pour les congrès ? Qui organise ces congrès, qui rédige les rapports, qui effectue les études nécessaires pour ces rapports? (si la CIPR est indépendante, ses rapports, ses études ne peuvent provenir d'organismes financés par les États).
Les cooptés qui tous ont un emploi ne peuvent faire ces études, paufiner ces rapports sans nuire à leur travail. Et les simulations mathématiques sur quels ordinateurs sont-elles faites?
Le fonctionnement de la CIPR (voyages, permanents, publications, études etc.) doit coûter de l'argent. Et certainement pas des sommes ridiculement faibles. La question qui ne semble pas avoir été posée est : qui finance la CIPR ? Et dans notre société nous savons que ceux qui financent ont le contrôle et le pouvoir.Membres de la commission principale de la CIPR de 1993 à 1997
Présidence: Pr. R.H. Clarke, directeur du National Protection Board (office national de radioprotection du Royaume-Uni).
C.B. Meinhold, National Council on Radiation Protection and Measurements, USA (un des responsables officiels de la radioprotection).D. Beninson (Argentine)
H.J. Dunster (Royaume-Uni)
I.A. Ilyn (Russie)
W. Jacobi (Allemagne)
H.P. Jammet (France; responsable de haut niveau au Commissariat à l'énergie atomique)
A. Kaul (Allemagne)
D. Li (Chine)
H. Matsudera (Japon)
F. Mettler (USA)
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