Discours d’ouverture

Sandro Rossetti
Président de l’association Pour le Forum « art culture et création ».
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Mesdames, Messieurs,

Au nom du Rassemblement des artistes et acteurs culturels, le RAAC, Au nom de l’association pour le Forum art culture création, je vous souhaite la bienvenue.

Il est rare de réunir dans la même salle autant d’artistes, de magistrats, élus et militants politiques, et autres acteurs de la vie culturelle régionale, résolus à dialoguer ensemble de l’état du soutien des pouvoirs publics à la vie culturelle et prêts à réfléchir ensemble à son avenir. Merci à vous d’avoir accepté notre invitation. Nous espérons que vous serez nombreux lors des prochaines sessions, ce printemps et cet automne.

Comme vous le savez, le RAAC est né il y a une année dans l’extrême urgence. Il était alors question que l’État de Genève se désengage de ses responsabilités en matière culturelle et en transfère la charge et les compétences à la Ville de Genève. Un large éventail d’institutions artistiques, de compagnies indépendantes, d’associations, et d’artistes de tous horizons s’était rassemblé pour refuser le fait accompli d’une décision prise à la hâte qui revenait à vider de sa raison d’être le dispositif cantonal d’encouragement à la culture.

Rappelons-le : la culture au canton, ce sont entre autres des subventions à des institutions comme l’Orchestre de la Suisse Romande ou le Théâtre de Carouge Atelier de Genève. La culture au canton, ce sont des subventions à des spectacles ponctuels et à des projets de création dans tous les domaines artistiques, c’est le soutien triennal à des compagnies émergentes, c’est aussi le soutien aux arts visuels par le Fonds cantonal d’art contemporain et une subvention au MAMCO. La culture au canton, c’est l’aide à l’édition, ce sont des bourses, des résidences. La culture au canton c’est notamment la formation supérieure d’artistes et de musiciens et la médiation artistique à l’école.

Voilà ce qui existe encore aujourd’hui grâce à la mobilisation du RAAC relayée ensuite par des politiques et des magistrats clairvoyants qui ont accepté de marquer un temps d’arrêt dans cette fuite en avant.

En ouvrant ce forum, je me souviens que le RAAC surgit moins de trois ans après le Mouvement 804. En 2004, ce rassemblement d’artistes s’était mobilisé contre la décision du Grand Conseil de couper de moitié le budget de l’aide ponctuelle à la culture.

Certes, ces événements ont montré la capacité des milieux culturels à se mobiliser. D’un autre côté, il est inquiétant d’avoir eu à le faire à deux reprises en si peu de temps. Au Mouvement 804 et au RAAC on peut désormais ajouter les artistes qui se mobilisent pour alerter l’opinion sur les effets de la disparition de dizaines d’ateliers, de lieux de répétition et de salles de spectacles, ce qui risque prochainement de vider l’espace public de ses lieux d’expression libre. Ce n’est donc pas deux, mais trois fois en quatre ans, que les professionnels de la culture se voient obligés de sortir de leur réserve pour défendre le droit de Genève à l’art.

En fait les mobilisations du Mouvement 804, du RAAC et, maintenant de l’Union des espaces culturels autogérés, l’UECA, démontrent le haut degré de conscience que les artistes ont acquis de l’importance de leurs métiers. Les artistes sont conscients aussi que lutter pour une culture vivante et diverse, c’est se battre pour une société ouverte, où s’épanouissent la créativité, le dynamisme et l’esprit critique. L’art et la culture, ce n’est pas seulement l’affaire des artistes, c’est l’affaire de tous.

Mais il faut aussi admettre, comme le montrent ces épisodes récents, que tout ça n’est jamais acquis et peut disparaître d’un maladroit trait de plume ou par un déplacement malheureux de chiffres d’une rubrique à l’autre des budgets publics.

Alors, profitons que nous sommes tous là, et réfléchissons ensemble à ces problèmes. L’Etat, la Ville, les communes genevoises et limitrophes, la Confédération, les organes transfrontaliers, les syndicats, les partis politiques, les enseignants, les scientifiques, les philosophes, les artistes, le public, et tous les autres acteurs culturels : chacun ici a sa légitimité pour penser une politique culturelle de dimension régionale, concertée, transparente, participative et respectueuse de celles et ceux qui la font vivre.

C’est pourquoi le RAAC a voulu, non pas des assises de la culture – on ne veut pointer le doigt sur personne ; non pas non plus des états généraux – c’est plutôt au canton de les convoquer, s’il le désire ; non, le RAAC, après mûre réflexion, a voulu un forum pour permettre à chacun, quelle que soit sa place, d’exprimer des rêves, de faire des propositions et de les discuter en toute franchise et liberté, dans le respect de nos rôles et spécificités respectives.

Pour notre part, nous arrivons ici après un an de palabres, prêts à confronter nos convictions et nos préoccupations. En premier lieu, nous voulons dire et redire que même intermittent ou précaire, l’art et la culture c’est du travail. C’est aussi pour cela que nous nous soucions de son financement.

Nous voulons également discuter de la protection sociale des artistes et acteurs culturels, et de leur formation continue. À ce propos, les dernières versions des lois fédérales sur la culture nous inspirent des inquiétudes.

Comme vous pouvez le constater, les chantiers ne manquent pas. Mais dans ce contexte, il y a aussi des avancées. Le crédit d’étude pour la Nouvelle Comédie, voté ce mercredi par le Conseil municipal de la Ville, est un signe encourageant du désir de construire un grand projet culturel de dimension régionale.

Cependant, beaucoup reste à faire. Le canton, par exemple, situé à la charnière entre la Confédération et les communes, est un acteur phare des projets transfrontaliers et d’agglomération. Il est donc appelé à prendre la mesure de sa responsabilité dans la construction d’une politique culturelle régionale cohérente et lisible.

Avant de terminer ces mots de bienvenue, je tiens à remercier chaleureusement toutes les personnes engagées dans le RAAC, et celles qui, pour la plupart bénévoles, donnent leur énergie et leur temps à l’organisation de ce forum. Je lance un appel pour que d’autres forces nous rejoignent pour mettre en place les prochaines sessions.

J’adresse aussi mes remerciements aux artistes, aux institutions et associations rassemblées dans le RAAC pour leur cotisation au Forum, ainsi qu’au Département de l’instruction publique du canton et au Département de la culture de la Ville de Genève pour leur soutien financier, et profite de lancer un appel aux communes et autres organes intéressés pour qu’ils nous soutiennent pour la suite du processus inauguré ce soir.

Il faut maintenant se mettre au travail. Bonne soirée.

Rédaction : Jorge Gajardo Muñoz et Sandro Rossetti, en collaboration avec les membres du GroupForum.

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